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dimanche 15 septembre 2019

« Manuscrits autobiographiques » de Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus (1897)


Une fois je m’étonnais de ce que le Bon Dieu ne donne pas une gloire égale dans le Ciel à tous les élus, et j’avais peur que tous ne soient pas heureux ; alors Pauline me dit d’aller chercher « le grand verre à Papa » et de le mettre à côté de mon tout petit dé, puis de les remplir d’eau, ensuite elle me demanda lequel était le plus plein. Je lui dis qu’ils étaient aussi pleins l’un que l’autre et qu’il était impossible de mettre plus d’eau qu’ils n’en pouvaient contenir. Ma Mère chérie me fit alors comprendre qu’au Ciel le Bon Dieu donnerait à ses élus autant de gloire qu’ils en pourraient porter et qu’ainsi le dernier n’aurait rien à envier au premier.

[…] je n’avais pas assez de vertus pour m’élever au-dessus de ces misères de la vie, et mon pauvre petit cœur souffrait beaucoup […]. Ce qui me plaisait encore c’était lorsque par hasard j’étais seule avec la petite Marie, n'ayant plus Céline Maudelonde pour l'entraîner à des jeux ordinaires, elle me laissait libre de choisir et je choisissais un jeu tout à fait nouveau. Marie et Thérèse devenaient deux solitaires n'ayant qu'une pauvre cabane, un petit champ de blé et quelques légumes à cultiver. Leur vie se passait dans une contemplation continuelle, c'est-à-dire que l'une des solitaires remplaçait l'autre à l'oraison lorsqu'il fallait s'occuper de la vie active. Tout se faisait avec une entente, un silence et des manières si religieuses que c'était parfait. 

[…] le vide immense des désirs ne pourrait être rempli par des louanges d’un instant. 

[…] j’ai vu tant d’âmes séduites par cette fausse lumière, voler comme de pauvres papillons et se brûler les ailes, puis revenir vers la vraie, la douce lumière de l’Amour qui leur donnait de nouvelles ailes […] Ah ! Je le sens, Jésus me savait trop faible pour m’exposer à la tentation, peut-être me serais-je laissée brûler tout entière par la trompeuse lumière si je l'avais vue briller à mes yeux...

[…] à ceux dont la foi égale un grain de sénevé, il accorde des miracles et fait changer de place les montagnes, afin d'affermir cette foi si petite ; mais pour ses intimes, pour sa Mère, il ne fait pas de miracles avant d'avoir éprouvé leur foi

Cependant la paix, toujours la paix, se trouvait au fond du calice. 

« Servez Dieu avec paix et avec Joie, rappelez-vous, mon enfant, que notre Dieu, c'est le Dieu de la paix. » (Paul, 1ere lettre aux Corinthiens, 14, 33)

Pendant l’agonie de Mère Geneviève, j’ai remarqué une larme scintillant à sa paupière, comme un diamant ; cette larme, la dernière de toutes celles qu’elle a répandues, ne tomba pas, je la vis encore briller au chœur sans que personne pense à la recueillir. Alors prenant un petit linge fin, j'osai m'approcher le soir sans être vue et prendre pour relique la dernière larme d'une Sainte... Depuis je l'ai toujours portée dans le petit sachet où mes vœux sont renfermés. 

Un jour, contrairement à mon habitude, j'étais un peu troublée en allant à la Communion, il me semblait que le Bon Dieu n'était pas content de moi et je me disais : "Ah! si je ne reçois aujourd'hui que la moitié d'une hostie, cela va me faire bien de la peine, je vais croire que Jésus vient comme à regret dans mon cœur." Je m'approche... oh bonheur ! pour la première fois de ma vie, je vois le prêtre prendre deux hosties bien séparées et me les donner ! […]

Jésus […] l'unique chemin qui conduit à cette fournaise Divine, ce chemin c'est l'abandon du petit enfant qui s'endort sans crainte dans les bras de son Père. 

Voilà donc tout ce que Jésus réclame de nous, il n’a point besoin de nos œuvres, mais seulement de notre amour…

Ah ! Seigneur, je sais que nous ne commandez rien d’impossible […] vous savez bien que jamais je ne pourrais aimer mes sœurs comme vous les aimez, si vous-mêmes, ô mon Jésus, ne les aimiez encore en moi.

[…] c’est un mur qui s’élève jusqu’aux cieux et couvre le firmament étoilé… Lorsque je chante le bonheur du Ciel, l’éternelle possession de Dieu, je n’en ressens aucune joie, car je chante simplement ce que JE VEUX CROIRE.

L’amour se nourrit de sacrifices, plus l'âme se refuse de satisfactions naturelles, plus sa tendresse devient forte et désintéressée.

[…] je dis tout simplement au Bon Dieu ce que je veux lui dire, sans faire de belles phrases, et toujours Il me comprend... Pour moi, la prière, c'est un élan du cœur, c'est un simple regard jeté vers le Ciel, c'est un cri de reconnaissance et d'amour au sein de l'épreuve comme au sein de la joie ; enfin, c’est quelque chose de grand, de surnaturel, qui me dilate l’âme et m’unit à Jésus.

[…] (j’ai honte de l’avouer) la récitation du chapelet me coûte plus que de mettre un instrument de pénitence... Je sens que je le dis si mal ! J'ai beau m'efforcer de méditer les mystères du rosaire, je n'arrive pas à fixer mon esprit... [...] je pense que la Reine des Cieux étant ma MÈRE, elle doit voir ma bonne volonté et qu'elle s'en contente. 

« Tous les biens m’ont été donnés quand je ne les ai plus recherchés par amour-propre. » (Saint Jean de la Croix).

« Attirez-moi, nous courrons à l’odeur de vos parfums » (Cantique des Cantiques, I, 3).
Seigneur, je le comprends, lorsqu'une âme s'est laissée captiver par l'odeur enivrante de vos parfums, elle ne saurait courir seule, toutes les âmes qu'elle aime sont entraînées à sa suite ; cela se fait sans contrainte, sans effort, c'est une conséquence naturelle de son attraction vers vous. 

Ce ne sont point les travaux de Marthe que Jésus blâme, ces travaux, sa divine Mère s’y est humblement soumise […] C’est l’inquiétude seule de son ardente hôtesse qu’il voudrait corriger.

Jésus t’aime d’un amour si grand que, si tu le voyais, tu serais dans une extase de bonheur qui te donnerait la mort, mais tu ne le vois pas et tu souffres. Bientôt Jésus se livrera pour sauver tous les doux et les humbles de la terre.

(…) je n’attends sur la terre aucune rétribution. Je fais tout pour le bon Dieu.
Comme cela je ne puis rien perdre et je suis toujours très bien payée du mal que je me donne à servir le prochain.

C’est parce qu’on pense au passé et à l’avenir qu’on se décourage et qu’on désespère.

De moment en moment, on peut beaucoup supporter.

Jésus ne demande pas de grandes actions, mais seulement l’abandon et la reconnaissance.

Ah ! restons bien loin de tout ce qui brille, aimons notre petitesse, aimons à ne rien sentir, alors nous serons pauvres d’esprit et Jésus viendra nous chercher, si loin que nous soyons il nous transformera en flammes d’amour (…) C’est la confiance et rien que la confiance qui doit nous conduire à l’Amour.

Rangeons-nous humblement parmi les imparfaits, estimons-nous de petites âmes qu’il faut que le bon Dieu soutienne à chaque instant. Dès qu’il nous voit bien convaincues de notre néant, il nous tend la main. Si nous voulons encore essayer de faire quelque chose de grand même sous prétexte de zèle, le bon Jésus nous laisse seules.

Si toujours tu restes fidèle à lui faire plaisir dans les petites choses, lui se trouvera obligé de t’aider dans les grandes.

C’est l’humilité de ta vie qui le fait s’abaisser à toi

Je ne suis réellement que ce que le bon Dieu pense de moi.

On éprouve une si grande paix d’être absolument pauvre, de ne compter que sur le bon Dieu.

Quand je me souviens du temps passé, mon âme déborde de reconnaissance en voyant les faveurs que j’ai reçues du Ciel, il s’est fait un tel changement en moi que je ne suis pas reconnaissable…

Ma gratitude est sans bornes pour tout ce qu’il me donne et je le lui prouve de mille manières.

Je me suis oubliée et j’ai tâché de ne me rechercher en rien.

Vous me demandez souvent le moyen d’arriver au pur amour, c’est de vous oublier vous-même et de ne vous rechercher en rien.

Le visage est le reflet de l’âme.

Ah ! je l’ai bien senti, la joie ne se trouve pas dans les objets qui nous entourent, elle se trouve au plus intime de l’âme. On peut aussi bien la posséder dans une prison que dans un palais.

Mon petit moyen, c’est d’être toujours joyeuse, de toujours sourire, aussi bien quand je tombe que lorsque je remporte une victoire.

Ce n’est pas comme les personnes qui souffrent du passé qui souffrent du passé, qui souffrent de l’avenir. Moi, je ne souffre qu’au moment présent. Ainsi ce n’est pas grand-chose.

Voyons la vie sous son jour véritable…C’est un instant entre deux éternités.

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