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mercredi 14 août 2019

« Le nain astronome » de Chet Raymo (1993)


- Je sais de quoi je parle, j’ai consacré ma vie à la pathologie du beau. La morbidité de ses blessures. La pharmacologie de ses remèdes prétendus (…) Je ne dis pas qu’il faut tenir compte de l’extérieur ; je dis que c’est la beauté tout entière qui est extérieure.
- Absurde.
- Ne vous méprenez pas, Jennifer. Quand je vous parle d’ »extérieur », n’allez pas comprendre une séduction de surface, une élégance liée à la mode. J’entends par là tout ce qui  peut se présenter à l’intuition sensible, j’entends par là l’ensemble des sensations physiques. Ne me dites pas que la beauté est intérieure, Jennifer, car cet intérieur suinte. La beauté ruisselle sur la peau comme une sueur, les yeux la pleurent, la bouche l’exhale. La beauté est mouvement, odeur, toucher, ah, toucher, comme on dit se sentir heureux, et même, son. La beauté est une manifestation active, le tout transcende la somme des parties. Et elle peut blesser à mort.
-  J’ai l’impression que vous  ne me parlez pas de la beauté, mais du sexe.
- (…) Le cerveau constitue lui aussi un organe, n’est-ce pas ? L’appréhension de la beauté, l’éveil du désir, ne sont pas moins physiques que…
- …  et l’âme, Frank ?
- L’âme ?
- Oui, l’âme ; vous n’imaginez pas qu’un âme belle puisse résider dans un corps…
- Hideux ?
- Oui.
- L’âme, Jennifer ? Vous y croyez pour de bon ? Vous avez de la chance. Mais moi je ne crois qu’en ce que je vois. »

Je t’en prie, ne va pas, comme Jennifer Down, m’assurer que la vraie beauté est intérieure. la beauté se montre ; la beauté est un fer qui nous frappe au cœur. Ce fer blessa Orion, c’est pourquoi celui-ci s’éprit de Mérope. Par amour, il était prêt à endurer une série d’exploits en apparence infinie. Et sais-tu ce qui le soutenait durant toutes ces épreuves ? Un souvenir. Il l’avait surprise au bain, il avait vu ses pieds nus glisser sur le marbre poli du palais, sa robe tissée d’or chatoyer sur ses hanches, et le temps d’un éclair, aperçu cette déclivité d’ombre au bas de son dos (…) Ce manque d’amour, immense et douloureux. 

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