La coercition, c'est la production exponentielle de
procédures -« process » ou « processus », de systèmes de « reporting » et
d'indicateurs- les fameux « Key Performance Indicators » KPIs)-, pour ne
citer que les plus en vue.
Au lieu de "motiver" les salariés, de les amener à "s'engager" pour leur entreprise, elles provoquent retrait et rébellion active ou
passive (…) Mieux : le délire des processus, des reportings et des indicateurs
finit par recréer des zones de liberté pour les salariés tant ils deviennent
contradictoires les uns avec les autres…
(…) l’idéologie, celle du langage managérial en tout premier
lieu, masque la réalité.
(…) Personne ne semble avoir une conscience claire du fait
que la façon dont on évalue les dirigeants, les promeut et rémunère constitue
l'un des principaux « leviers » de management.
(…) Un acteur peut adhérer à une nécessité et en rejeter les
conséquences. (…) C'est d'ailleurs pourquoi les politiques de « communication »
atteignent vite leurs limites. Expliquer les nécessités et certes indispensable
mais n'est vraiment pas suffisant. La vraie question, celle qui est « concrète
», est celle de l'anticipation : anticiper d'abord les effets réels des
changements sur la vie quotidienne des acteurs, leur façon de travailler (ou de
ne pas travailler !), de résoudre leurs problèmes, de gérer leurs arrangements
; anticiper ensuite à partir de là, la façon probable dont ils sont
susceptibles de faire face aux contraintes qu'on veut leur imposer au nom des
nécessités du marché. La question n'est alors plus celle de convaincre les uns
et les autres d'accepter bon gré mal gré ce qui va se passer ; elle est de
redéfinir avec les salariés un « nouveaux deal », très différent des formes
traditionnelles de protection du travail, mais qui rend les transformations
effectuées acceptables par tous.
(…) La dimension quasi idéologique du langage de
l'entreprise, produit aussi bien par les business schools que par les grands
cabinets de conseil qui, jour après jour, se donnent pour mission de reformuler
en termes acceptables les nouvelles contraintes que les organisations, elles-mêmes
sous pression, imposent à leurs membres.
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