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dimanche 29 juin 2025

« Le secret de la sérénité - La confiance en Dieu avec saint François de Salles » de Joël Guibert (2022)

Le vœu le plus puissant de l'amour est de mourir à sa volonté propre pour correspondre aux moindres attentes de la volonté de l'Époux divin

Un enfant, tandis qu'il est bien petit [...] n'a pas d'autre connaissance que sa mère ; il a un seul amour qui est pour sa mère : étant [...] couché dessus ce sein bien-aimé, il ne veut rien d'autre. L'âme qui a la parfaite simplicité n'a qu'un amour qui est pour Dieu ; et en cet amour elle n'a qu'une seule prétention, qui est de reposer sur la poitrine du Père céleste, et là, comme un enfant d'amour, faire sa demeure, laissant entièrement tout le soin de soi-même à son bon Père, sans que jamais plus elle se mette en peine de rien, sinon de se tenir en cette sainte confiance.


Contempler le feu d'amour qui consume la Tri-unité de Dieu devrait être notre première occupation, ceci pour au moins deux raisons. L'adoration de Dieu, océan de don et d'abandon d’amour, sera notre horizon lorsque nous entrerons dans l'éternité. D'autre part, seule cette source divine de l'amour donne sens à notre manière de vivre et d'aimer.


Le Fils de Dieu ne s'est pas incarné uniquement pour lancer au monde une belle déclaration d'amour ou seulement pour manifester sa solidarité avec le genre humain : il est venu « sauver ce qui était perdu », il est venu réparer l'alliance d'amour brisée par les hommes depuis Adam. C'est par l'orgueilleuse désobéissance que l'homme s'est coupé de Dieu depuis le début de l'humanité, c'est par l'humble obéissance du Dieu fait homme, que cette même alliance fut réparée et même rehaussée…


En langue française nous avons une expression particulière pour désigner la mort des hommes : nous l'appelons "trépas" et les morts, "trépassés". Nous signifions ainsi que la mort n'est que le passage d'une vie à l’autre… 


Loin d'être un être d'une nature étrangère à l'homme, la mémoire de Dieu est au contraire inscrite dans les gènes de l'être humain.


S'en remettre à Dieu, pratiquer l'union de volonté, ne conduit aucunement à une vie humaine diminuée, sclérosée. Bien au contraire, la remise de notre volonté entre les mains de Dieu est la meilleure manière d'accomplir notre humanité, de la transfigurer (…) c’est bien en Dieu seul que l'humain se trouve et s’accomplit ; en dehors de ce terreau divin, l'homme demeure comme amputé, inachevé.


Au plus intime de son être, l'Église est le corps même du Christ, cette fontaine qui nous offre la vie de Dieu, que ce soit saint Pierre qui baptise ou que ce soit Judas qui baptise.


Ayez toujours avec vous quelque beau livre de spiritualité [des saints]. Lisez-en un peu chaque jour comme si vous lisiez des lettres envoyées par eux du haut du ciel, pour vous en montrer le chemin et vous encourager.


Une personne avide de progresser dans l'abandon spirituel ne peut que désirer les sacrements. Par eux, elle se laisse progressivement « manger » par Dieu…


De même, tout ce qui nous arrive au cours de notre vie est directement voulu ou indirectement permis par Dieu (…) Au père de famille ou à la plus attentive des mères, il échappe mille détails. Lui, Dieu, dans l'intelligence infinie de sa Providence, possède le secret de pourvoir aux détails de nos journées. Même « nos cheveux sont tous comptés », dit l'Évangile (Mt 10,30). Chacun de nous n'est qu'un atome dans l'immensité de l'univers et pourtant... Si nuit et jour nous occupons à ce point la pensée du Père éternel, jusque dans les détails les plus insignifiants de la vie - jusqu'à la chute de nos cheveux ! -, comment ne pas être bouleversé par une telle sollicitude ?


Ce point de la foi enseigne tout d'abord que nous ne sommes pas seuls, perdus dans l'infini de l'univers. Non seulement ce dogme nous assure de la proximité de Dieu, mais il nous certifie que notre existence est lovée en sécurité dans ses mains bienveillantes (…) Vivre en conformité avec la volonté de cette Providence devrait être l'atmosphère dans laquelle se déploie la vie de tout homme, tel un poisson qui, tenant à la vie, demeure dans l'eau de son bocal.


Celle-ci [La Providence] persuade le croyant que le moindre fait naturel est porteur de surnaturel.


(…) il [saint François de Salles] laisse entrevoir comment il s’y prenait pour ne pas se laisser prendre par le stress des activités, comment il prenait les choses les unes après les autres, tout ceci abandonné à la divine Providence…


La personne cessera alors de s'arc-bouter face aux aléas de vie et s'installera peu à peu dans une attitude d'accueil paisible de ce qui lui arrive, puisque tout, absolument tout, est voulu ou permis par le « bon Dieu » (…) recevoir toutes choses « comme provenant de la main paternelle de notre bon Dieu et Sauveur »


Fleury de Bellingen, grammairien du XVIIè siècle, explique l'origine de l'expression foi du charbonnier par l'extrait du conte que voici : « Le diable demanda à un malheureux charbonnier : "Que crois-tu?" Le pauvre hère répondit: "Toujours je crois ce que l'Église croit." Le diable insista : "Mais à quoi l'Église croit-elle ?" L'homme répondit : "Elle croit ce que je crois !" Le diable eut beau insister, il n'en tira guère plus et se retira confus devant l'entêtement du charbonnier. »


Mais au ciel, dans la surabondance de son amour, il nous ravira en nous montrant toutes les prévenances et les délicatesses de sa sagesse ; il nous découvrira les raisons, les moyens, les motifs de tout ce qui se sera passé en ce monde et qui devait servir à notre salut éternel.


En nous maintenant dans une certaine nuit, Dieu veut aussi nous installer dans une confiance toujours plus grande, qui consent à ne pas exiger des raisons évidentes à tout ce qui nous arrive (…) une humilité certaine de l'intelligence, est réclamée pour entrer en alliance véritable avec la divine Providence. Nous ne pouvons pas discerner ses intentions, ses chemins, ses moyens. 


Dieu ne veut jamais le mal, mais il peut le permettre en vue d'un plus grand bien.

(…) si nous nous enfonçons dans la révolte, notre souffrance va en être décuplée (…)

« Jésus, je ne comprends absolument rien à ce qui m'arrive, je ne parviens pas du tout à voir ta main dans cette souffrance, mais j'arrête d'être armé jusqu'aux dents face à toi, je me rends à ton amour, je m'abandonne sans condition. »

Lorsque l'âme douloureuse parvient à cette « capitulation », elle expérimente assez rapidement un apaisement, et parfois même des forces nouvelles peuvent surgir (…) La personne découvre avec étonnement qu'en s’abandonnant à Dieu, l'Esprit Saint s'approche et vient en quelque sorte porter intérieurement la croix qui jusqu'ici l’écrasait (…)

Lorsqu’une personne, perturbée par telle ou telle épreuve, s'en remet à Dieu comme un enfant, en retour, Dieu va lui révéler qui il est vraiment, un cœur qui ne désire que se donner, tant son amour infini le presse de se répandre: « Son infinie bonté dont la nature même est de se répandre. » En écrivant ces mots, saint François de Sales se veut l'écho de la pensée d'un de ses maîtres, saint Thomas d'Aquin, pour qui Dieu est Bonum diffusivum sui, un Dieu assoiffé de se donner et de combler, un Dieu passionné d'amour qui souffre de si peu rencontrer d'âmes qui consentent à l'étreinte divine.


Dieu a tout disposé dans notre vie pour que nous puissions être sauvés. Que pouvons-nous craindre alors? [...], un Père si bon, si clairvoyant pour tout ordonner et si prudent pour exécuter.


Notre Seigneur prend soin de tout et conduit tout. [...] Rien ne peut nous arriver sans que Dieu ne nous en fasse tirer du bien et de l'utilité. 


La disposition intérieure d'abandon confiant n'est pas une option facultative pour le baptisé : elle représente le passeport indispensable pour entrer en paradis(…) Si nous ne nous reposons pas par une entière résignation et parfaite confiance entre les bras de notre Seigneur, comme l'enfant entre les bras de sa mère, nous n'entrerons point en son Royaume.


(…) cela commencera le matin avec la prière d'offrande et cela se poursuivra tout au long de la journée en renouvelant l'offrande dès que se présentera un événement non prévu, une rencontre, une fatigue, une difficulté, une tâche à accomplir.


Le cœur indifférent est comme une boule de cire entre les mains de Dieu. Il reçoit toutes les impressions du bon plaisir de Dieu. C'est un cœur qui ne choisit pas parce qu'il est disposé à tout : sa volonté n'est déterminée que par la volonté de Dieu. Il n'aime pas les choses que Dieu veut, mais il aime la volonté de Dieu qui les aime.

(…) la personne se rend « indifférente» au quand et au comment du plan d'amour de Dieu sur elle (…) Désormais elle lui dit « Jésus, ce sera "quand" tu le veux. » Par ailleurs, convaincue que Dieu ne peut vouloir que le meilleur pour elle, l'âme ne décide plus du scénario de sa propre vie, elle ajoute : « Jésus, ce sera "comme" tu le veux. »

(…) l’âme indifférente goûte à plein le moment présent, l'événement, la rencontre, la tâche ou même l’épreuve…


(…) François de Sales évoque la figure filiale par excellence qu'est saint Jean, « le disciple que Jésus aimait» (Jn 13,23) : Quel bonheur d'être ainsi entre les bras du Seigneur [...] comme un autre petit saint Jean, tandis que les autres mangent à la table du Sauveur diverses viandes. Reposez et penchez par une toute simple confiance, votre tête, votre âme, votre esprit sur la poitrine amoureuse de ce cher Seigneur, car il est mieux de dormir sur ce sacré oreiller, que de veiller en toute autre posture.


« Oh! dit encore Jésus à Luisa [Piccarreta], comme il est beau de vivre dans ma volonté. Cela me plaît tellement que, dans les générations futures, je ferai disparaître toutes les autres formes de sainteté quelles que soient leurs vertus. Je provoquerai la sainteté dans ma volonté qui n'est pas une sainteté humaine, mais une sainteté divine. Cette sainteté sera si haute que, comme les soleils, les âmes qui la vivront éclipseront les étoiles qu'étaient les saints des générations passées. C'est pourquoi je veux purifier la terre : elle est indigne de ces prodiges. »


Il ne nous servirait à rien de nous renoncer et délaisser nous-mêmes, si ce n'était pour nous unir parfaitement à la divine bonté. Ce n'est donc que pour cela qu'il faut faire cet abandonnement, lequel autrement serait inutile, et ressemblerait à ceux des anciens philosophes, (…). Mais nous autres, nous ne voulons pas nous abandonner sinon pour nous laisser à la merci de la volonté de Dieu.»


Oui, il aura soin de nos affaires et veillera à nous donner ce qu'il y a de meilleur.


Saint François de Sales n'hésite pas à multiplier les verbes pour circonscrire nettement ce qu'est l'indifférence, la conformité de volonté. Ni « acquiescer » à la volonté de Dieu, ni seulement « accepter » ou « accueillir » cette volonté, pas plus que permettre » comme un laisser-faire : Il me semble donc qu'il vaut mieux dire à propos de l'âme qui est dans ces dispositions, c'est-à-dire qui ne veut rien, qui laisse Dieu vouloir ce qui lui plaît, que sa volonté est dans une simple et générale attente.


« Puisque tu le veux ou le permets, Jésus, je le veux bien aussi, car ta volonté n'est qu'amour et tu ne veux que mon bien ! »


Nous sommes sûrs de ne jamais nous tromper quant au bon vouloir de Dieu, lorsque nous faisons nôtre le Credo et la morale de l'Église. (…) De nos jours, le relativisme moral qui règne dans les démocraties libérales voudrait convaincre les catholiques que la foi et la morale doivent désormais « s'adapter » à la modernité, très exactement « s'aligner » sur l'esprit du monde : tout cela n'aide guère les croyants à tenir le cap sur la volonté de Dieu « signifiée ».


(…) la volonté de Dieu ne peut jamais se manifester au détriment du devoir d'état.

À la volonté divine signifiée s'ajoute la volonté du bon plaisir de Dieu, laquelle, précise François, nous devons regarder en tous les événements, je veux dire en tout ce qui nous arrive : la maladie, la mort, l'affliction, la consolation, les choses adverses et prospères, bref en toutes choses qui ne sont point prévues.

(…) c’est comme si Jésus nous disait : « J’ai permis ou voulu ce que tu vis en ce moment, c’est moi qui viens à travers cet évènement. »


Un confrère prêtre faisait cette remarque très pertinente avec l’intention d'interroger le discours pastoral : « Avez-vous remarqué, me disait-il, le contenu des prières universelles au cours de la messe dans la plupart des paroisses ? (…) jamais, ou presque jamais, ne montent ces prières qui implorent Dieu pour que les gens acceptent leurs croix dans l'abandon et la confiance. Comme si une telle demande était devenue taboue. »


À l'inverse, quelle bonne nouvelle, quelle espérance lorsqu'on découvre que la douce volonté de Dieu est impliquée dans le moindre des événements qui nous arrivent : nous ne sommes plus seuls alors à franchir le périlleux ravin ; une issue, un passage, une pâque est possible, puisque le Christ le traverse avec nous, toujours en vue d'un surcroît de vie.


(…) l'accueil de la grâce - donc un certain « laisser-faire » - sera toujours premier vis-à-vis de la conquête vertueuse - ce qui relève davantage du « faire » (…)

Selon la formule ciselée du concile d'Orange: « Comment Dieu nous aime. Dieu nous aime tels que nous serons par son don, non tels que nous sommes par notre mérite ». 

(…) le pape saint Jean-Paul II a éprouvé le besoin de rappeler le « primat de la grâce » comme priorité pour le troisième millénaire.


Pour la confiance, il suffit de connaître son infirmité ; [...] reposons-nous entièrement sur cette Providence, [...] demeurons entre ses bras comme un petit enfant sur le sein de sa mère.


Soumettez souvent votre volonté à celle de Dieu, étant prête à l'adorer autant quand elle vous enverra des tribulations comme au temps des consolations. 


La vraie et sainte science, c'est de laisser Dieu faire et défaire en soi et en toute chose ce qui lui plaira, sans avoir d'autre vouloir et élection, révérant d'un profond silence ce que l'entendement de la faiblesse humaine ne peut comprendre, car les desseins peuvent être cachés, mais toujours justes. 


Tendez-lui la main, comme un petit enfant à son père, afin qu'il vous conduise.


Nous pouvons aussi cheminer avec Notre Seigneur sans avoir aucun vouloir propre, en nous laissant porter comme un petit enfant entre les bras de sa mère. Cela se fait par une sorte d'admirable consentement, que l'on pourrait appeler "union", ou plutôt "unité" de notre volonté avec celle de Dieu, Voilà donc comment nous devons tâcher de nous comporter à l'égard du bon plaisir de Dieu. 


C'est clair, la vie en dépendance de l'Esprit Saint est dérangeante, elle oblige à se laisser agir par un Autre qui, de plus, peut avoir des plans autres que les miens…


Constatant et goûtant à la sérénité et à une certaine insouciance, fruits de l'acceptation et de la conformité à la volonté de Dieu, nous risquons, surtout dans les débuts, de nous servir de l'abandon comme d'un médicament pour être zen, une petite drogue pour acheter un répit, en somme un troc très subtil qui tend à utiliser Dieu comme un simple moyen pour être bien. (…) « Je te donne mon oui, mais j'attends que tu me donnes ta paix en retour ! » 

(…) il faut chercher non les consolations de Dieu mais le Dieu des consolations.


Certes, il ne faut vouloir que Dieu, absolument, invariablement, inviolablement, mais dans les moyens pour le servir, il ne faut les vouloir que doucement et faiblement, afin que si on nous empêche de les faire, nous ne soyons grandement secoués. Il faut peu vouloir, et petitement, tout ce qui n'est pas Dieu ! (…)

Nous voulons toujours que ce que nous entreprenons réussisse, mais est-il raisonnable de penser que Dieu conduira les choses comme nous l'entendons, nous ?


Saint François de Sales appartient à cette galerie des grands missionnaires, notamment lorsqu'il fut envoyé par monseigneur de Granier pour convertir le Chablais calviniste à la religion catholique: « Il faut reconquérir Genève ! » Le ton est donné.

Devant la situation difficile, François ne commence pas par faire un audit, interroger une société spécialisée en statistique ou suivre une formation en communication ou en marketing. Non, pour faire face à une situation impossible à vue humaine, il commence par faire appel aux moyens surnaturels, tels qu'ils ont toujours été enseignés par notre Seigneur et tous les saints à sa suite (…)

C'est par la charité qu'il faut ébranler les murs de Genève, par la charité qu'il faut l'envahir, par la charité qu'il faut la recouvrer.


L'oraison, l'aumône et le jeûne sont les trois parties qui composent le cordon difficilement rompu par l’ennemi (…) Le silence du discours actuel sur la nouvelle évangélisation en ce qui concerne l'ascèse, la mortification au service de la mission et de la conversion des âmes, est, il faut bien le reconnaître, révélateur d'une certaine légèreté.


Il en venait à cette conclusion que l'exposition de la saine doctrine, prêchée dans l'Esprit, convertit les hérétiques... sans qu'on veuille les convertir (…) qui prêche avec amour prêche assez contre les hérétiques, quoiqu'il ne dise un mot de dispute contre eux (…)

Evangéliser avec « indifférence ». De même qu'il nous faut entreprendre le projet hardiment, courageusement, avec ténacité, et le poursuivre autant qu'il se pourra, de même il faudra acquiescer tranquillement à la manière dont Dieu voudra qu'il se réalise.


(…) la pratique de cet abandonnement, lequel n'est autre chose qu'une parfaite indifférence à recevoir toute sorte d'événements, selon qu'ils arrivent par l'ordre de la providence de Dieu, aussi bien l'affliction comme la consolation, la maladie comme la santé, la pauvreté comme les richesses, le mépris comme l'honneur et l'opprobre comme la gloire. 


Le matin, dès le réveil, commence par faire une prière d'offrande de soi-même à Dieu avec cet accent particulier : se disposer à accueillir à l'avance ce qui surviendra a cours de la journée et surtout tout vivre dans un oui à la volonté de Dieu.


En résumé, ne pas chercher à se contenter soi-même, mais ne chercher que le contentement de Dieu.


L'obéissance d'amour se soumet, se conforme et s'unit en tout, partout, toujours à ce que Dieu veut. 


Qu'elle est donc heureuse l'âme qui s'est vraiment dépouillée d'elle-même, qui s'est totalement remise entre les mains de Dieu. 


(…) marcher comme aveugle dans cette providence et confiance en Dieu, même parmi les désolations, craintes, ténèbres, et tout autre sorte de croix qu'il lui plaira de donner (…)

Cette obéissance prompte, aveugle, peut prendre la forme de cette prière toute simple, tel un amoureux : « Jésus, en cet instant, je veux ce que tu veux. » Et pour que cette obéissance donne tous ses bienfaits en termes de joie profonde et de sérénité, il faut bien évidemment durer, tenir avec persévérance dans cette disposition intérieure.


Par sa résignation, l'âme marque qu'elle préfère la volonté de Dieu à toutes choses. Mais elle ne cesse pas pour autant d'aimer beaucoup d'autres choses. Or l'indifférence est au-dessus : par amour, elle n'aime rien de plus que la volonté de Dieu. Si bien que rien d'autre ne peut toucher un cœur indifférent quand il s'agit de la volonté de Dieu.


C'est ainsi que nous devons être, nous rendant malléables au bon plaisir de Dieu, comme de la cire entre ses mains. Ne vous arrêtez pas à souhaiter ceci, à vouloir cela. Laissons Dieu en décider selon ce qu'il lui plaira. 


Marchez [...] l'esprit relevé en Dieu…

As-tu été pris dans le filet des contrariétés ? Ne regarde pas ce qui t'arrive, ne regarde pas les pièges dans lesquels tu es tombé. Regarde Dieu, laisse-le faire. 


C'est cette très sainte égalité d'esprit, mes chères âmes, que je vous souhaite : je ne dis pas l'égalité d'humeur ni d'inclination, je dis l'égalité d'esprit […] : que vous ne fassiez nul état des tracasseries que fait la partie inférieure de votre âme qui est celle qui cause les inquiétudes et bizarreries [...]. Il faut se tenir toujours fermes et résolus dans la partie supérieure de notre esprit [la confiance]. »


Le vrai obéissant vivra doucement et paisiblement comme un enfant qui, entre les bras de sa chère mère, ne se tracasse point de ce qui pourra lui arriver (…) Or, à celui-là, je peux lui assurer de la part de Dieu le paradis pour la vie éternelle, comme aussi, durant le cours de cette vie mortelle, il jouira de la vraie tranquillité, il n'en faut point douter.


D'autre part, nous ne supposons pas combien Dieu veut se donner à nous, combien il a hâte de répandre sa gloire, sa joie, sa paix profonde dans les âmes. Mais ce divin envahissement est bloqué, empêché, tant que l'âme ne s'ouvre pas généreusement à ce don, tant que l'âme ne lui livre pas sa volonté (…) Dans cet échange d'amour entre Dieu et l'âme, nous ne sommes pas du tout dans un « Si tu t'écrases devant moi, je me donnerai à toi », mais dans un « Ouvre-toi à moi, donne-toi à moi pour me permettre de me donner pleinement à toi. » Nous sommes vraiment dans une relation sponsale, les paroles de l'échange des consentements lors des mariages ne disent pas autre chose (…)

Que devient la clarté des étoiles lorsque le soleil se lève ? Elle ne périt pas, mais elle est engloutie dans la lumière du soleil, avec laquelle elle se confond. 


L'on doit plutôt l'appeler un endormissement qu'une mort, car cette âme qui s'est embarquée dans la nef de la providence de Dieu se laisse aller et vogue doucement, comme une personne qui, dormant dans un vaisseau sur une mer tranquille, ne cesse d’avancer.


Aussi bien, qu'importe que la volonté de Dieu me soit présentée dans la tribulation ou dans les consolations, puisque, en l'une comme en l'autre, je ne cherche rien d'autre que volonté divine.


Prenez les affaires comme elles se présentent, l'une après l'autre, paisiblement, méthodiquement ; si vous voulez les traiter tout de suite, et toutes en même temps, vous n'en viendrez pas à bout, et vous vous serez épuisé pour un maigre résultat.


Je dis donc qu'il ne faut rien demander ni rien refuser, mais se laisser entre les bras de la Providence divine, sans s'amuser à aucun désir, sinon à vouloir ce que Dieu veut de nous.


(…) cette acceptation relève d'une attitude davantage passive, au sens noble du terme. Mais, par ailleurs, n'oublions pas l'ascèse plus directement active, traitement à appliquer à notre volonté. Si nous écoutons saint Jean de la Croix, une des références en matière de vie ascétique et mystique pour François de Sales, il faut sans hésiter trancher dans le vif : « Toutes les fois qu'une satisfaction s’offre aux sens et qu'il n'y va pas de la gloire et de l'honneur de Dieu, renoncer et s'en priver pour l'amour de Jésus Christ (…) 

Voilà pourquoi nous proposons une étape intermédiaire qui paraitra sans doute plus accessible que l'ascèse sans compromis d'un saint Jean de la Croix. On pourrait appeler cette première marche : ascèse « en différé ».


Par l'amour de bienveillance, on veut réjouir Dieu (…)

Par l'amour de complaisance on se réjouit de Dieu (…)

La louange se réjouit gratuitement de Dieu (…)

Notre louange est participation à la louange trinitaire (…) 

La louange (…) confesse que, par-delà les nuages, le soleil brille toujours (…)

Il est bien dommage de considérer la louange comme une option facultative pour la vie chrétienne, alors qu'elle correspond à l'orientation la plus profonde de notre être de baptisé. L'entraînement à la louange, dès cette terre, nous prépare au mieux à ce qui sera notre occupation éternelle dans l’au-delà…

Sainte Jeanne de Chantal, reprenant les conseils de François, enseignait à ses sœurs :« L'essence de l'oraison mentale, disait notre bienheureux Père, consiste proprement à parler avec Dieu (…) lui parlant comme un enfant à son père, [...] une épouse à son époux, enfin comme à notre fidèle ami, comme une ignorante qui demeure dans un humble silence, ne sachant parler, mendiant à la porte de la cour céleste les trésors divins. » (…)

Si les fidèles étaient persuadés que l'oraison consiste essentiellement en une « attention amoureuse », qu'elle s'apparente au dialogue silencieux et amoureux du couple, cela leur ôterait tout complexe. L’oraison n'est pas autre chose qu'une conversation où l'âme s'entretient amoureusement avec Dieu de sa bonté tout aimable, afin de la rejoindre et de s'unir à elle.

(…) il faudra passer d'un « faire pour Dieu » à un « se laisser faire par Dieu » (…) « l'oraison doit se faire par grâce et non par artifice.» (Jeanne de Chantal) (…)

Dans les oraisons de sécheresse, lorsque les distractions nous submergent, il est bon de soutenir l'attention amoureuse par de courtes paroles. Jeanne de Chantal : « Contentez-vous de dire de temps en temps quelques paroles vocales, surtout celle-ci qui est et qui doit être votre unique : "Mon Dieu, je remets mon esprit entre vos mains ». » (…)

Au lieu d'occuper paisiblement leur volonté à sentir la douceur de la présence de Dieu, ils emploient leur intelligence à discourir sur les sentiments qu'ils éprouvent. Comme une épouse qui passerait son temps à regarder la bague de son mariage sans voir l'époux qui la lui a donnée (…)

À l'instant même où nous nous mettons en prière, il est bon de l'ouvrir par un acte de confiance et de remise de soi : «Je crois, Seigneur, qu'il n'y a pas une seule seconde de ma prière où ton amour pour moi sera absent ».

(…) sainte Jeanne de Chantal : « Pour faire une bonne oraison, il faut s'oublier soi-même et s perdre pour Dieu [...] Il n'y a aucun état où Dieu prenne plus plaisir de nous voir que dans celui de l'humiliation. Ce n'est pas assez d'être petit devant Dieu, il faut y être rien ; c'est là le fondement sur quoi il édifie, car il se plaît à travailler sur le néant. » (…)

Nous voulons le servir uniquement pour l’amour de sa volonté. Ayant renoncé aux consolations, l’âme est mûre pour s’installer dans la consolation des consolations qu’est l’abandon serein entre les mains de Dieu…


Il est bien difficile de vivre au nom du Christ sans d'abord vivre du Christ. Tout nous vient de la grâce, sans elle « notre vie tombe en ruines », comme dit une oraison de la messe (…)

La vie dans la grâce de l'Esprit ne peut donc pas être un à-côté, une option facultative pour le baptisé. Vivre à partir de l'Esprit devrait être le style de vie adopté par tous les fidèles du Christ (…)

Oui, les sacrements sont des signes certains de la grâce divine, mais pour qu'ils délivrent certainement leur fécondité il importe que le pratiquant vive le plus possible dans la seigneurie de l'Esprit, au moment des sacrements bien évidemment, mai aussi, ne l'oublions pas, en dehors des sacrements (…)« Laissez-vous mener par l'Esprit » (saint Paul)…


Dans l'Introduction à la vie dévote, Saint François de Sale recommande de se rendre attentif aux inspirations intérieures : Nous appelons inspirations tous les attraits, les mouvements, les sentiments de contrition, les lumières, les connaissances que Dieu fait naître en nous.

(…) Les touches de l'Esprit sont si subtiles et si discrètes, que la personne qui ne cultivera pas un certain silence dans sa vie ou qui accordera peu de temps et d'intérêt à la prière personnelle, pourra difficilement entendre la voix de l'Esprit.


(…) plus le souci nous submerge, plus nous cherchons par nous-mêmes et avec tension une solution pour le maîtriser.

(…) l'amour de Dieu a ses lois : il n'intervient qu'à la mesure de notre confiance en son action. Cela est très manifeste dans les guérisons relatées par les Évangiles. À deux aveugles qui supplient Jésus de les guérir, il demande : «"Croyez-vous que je puisse faire cela?" "Oui, Seigneur", lui disent-ils. Alors il leur toucha les yeux en disant : "Qu'il vous advienne selon votre foi"» (Mt 9,28-29). (…) En coupant court à tel ou tel souci, je fais le choix de m'en décharger et de le jeter dans le cœur de Dieu : « De toute votre inquiétude, déchargez-vous sur lui, car il a soin de vous » (IP 5,7). (…) Saint François de Sales exhortait ainsi sainte Jeanne de Chantal : Notre Seigneur veut vous dépouiller de toutes choses afin que lui seul vous soit toutes choses !

(…) de petites victoires en petites victoires, nous finirons par coloniser toujours plus de terrain, nous serons moins esclaves de nos soucis, nous deviendrons peu à peu le « patron » en notre intérieur. L'horizon dégagé, notre demeure intérieure sera moins ouverte à tous vents, il sera alors plus facile pour l'Esprit de s'inviter chez nous et d'y exercer sa divine emprise : Ô que nous serions heureux si nous faisions tout pour notre aimable colombe qui est le Saint-Esprit. Il prendrait soin de nous ; et à mesure que notre confiance par laquelle nous nous reposerions en sa Providence serait plus grande, plus aussi son soin s'étendrait sur toutes nos nécessités. 


Notre être profond a ses racines en Dieu, notre cité intérieure se trouve dans les cieux. Ainsi, plus un disciple du Christ grandit dans la disponibilité à l'Esprit, plus il goûte la plénitude à laquelle il aspire, dans les moments de joie bien sûr, mais aussi lorsque se présentent les difficultés (…)

Bonne nouvelle, l'Esprit Saint ne se contente pas d'indiquer la route, il livre le carburant ! Aux inspirations, l'Esprit joint la grâce d'y répondre et la force de les réaliser (…) se laisser agir par l'Esprit.


(…) si nous sommes incapables d'accueillir avec une certaine paix l'échec ou la contradiction que Dieu a permis, c'est le signe évident que nous cherchions davantage les œuvres pour Dieu plutôt que Dieu lui-même (…)

Saint François d'Assise se rendit en Égypte dans le dessein de convertir les infidèles, ou d'y mourir martyr. C'était la volonté de Dieu qu'il partit. Il revint sans avoir fait ni l'un ni l'autre. C'était aussi la volonté de Dieu.

(…) renoncer à ses petits plans au service de Dieu pour entrer dans les merveilleux plans de Dieu au service du monde est source d'une très grande joie et même d'un grand repos, puisque l'âme se met en état d'accueil, de réceptivité : Qu'elles sont donc bienheureuses ces âmes qui se montrent si hardies et si fortes pour entreprendre ce que Dieu leur inspire, et si dociles et si douces pour y renoncer quand Dieu en décide ainsi ! Cesser de faire un bien quand il plaît à Dieu qu'il en soit ainsi, s’en retourner à mi-chemin quand l'ordonne sa volonté qui est notre guide - on reconnaît là la marque de la parfaite indifférence (…)

L'âme s'est résolument mise au service de Dieu, elle veut tout accueillir de sa main, réussites et échecs compris. Elle veut Dieu plus que les œuvres pour Dieu.


De grandes actions, nous n'en trouverons pas souvent sur notre chemin. Mais de petites, nous en trouverons à toute heure. Et nous pouvons les accomplir excellemment, c'est-à-dire avec un grand amour.


En toute affaire, appuyez-vous sur la providence de Dieu, totalement. Elle seule la mènera à bonne fin. Néanmoins, travaillez paisiblement, coopérant activement avec elle. Si vous avez mis votre confiance en Dieu, le résultat sera toujours le meilleur - qu'il soit ce que vous aviez prévu, ou qu'il ne le soit pas.


Sauf grâce particulière, nous ne parviendrons que très progressivement à adopter cette « sainte lenteur » que notre monde a perdue et qui explique pour une part son profond mal-être. Tout doit se faire avec mesure et patience (…) Sachez que la vertu de patience est celle qui nous assure le plus de la perfection, et s'il faut l'avoir avec les autres, il faut aussi l'avoir avec soi-même... Il faut souffrir notre propre imperfection pour avoir la perfection ; je veux dire souffrir avec patience, et non pas aimer ou caresser : l'humilité se nourrit de cette souffrance.


Nos relations au prochain ont donc tout à gagner à se laisser imprégner par l’esprit d’abandon : elles en seront pacifiées et l'amour en sera intensifié.


La considération que l'on doit avoir pour soi se fonde sur le fait que nous sommes créés à l'image de Dieu : Par conséquent nous les aimons comme nous-mêmes, c'est-à-dire en qualités d'images saintes et vivantes de la divinité.


Il est normal d'être pris de sentiments de tristesse suite à un péché ou à un échec. Cela peut être le signe d'une belle délicatesse de l'âme envers son Seigneur : elle est triste d'avoir blessé son cœur, d'avoir offensé son amour. Mais attention, cette tristesse peut aussi s'expliquer par l'amour-propre qui a été humilié... ce qui n'est pas forcément plus reluisant que le péché commis, soit dit en passant. Ces colères, ces dépits, ces aigreurs contre soi-même ne sont que de l'orgueil et de l'amour-propre, l'un et l'autre troublés et inquiets de nous voir si imparfaits. Suite à une embardée ou à un échec, la tristesse qui s'empare de nous, en apparence très spirituelle, n’est souvent que la réaction à de l'orgueil humilié par la vue du beau miroir de nous-mêmes qui vient de se briser en mille morceaux à nos pieds (…) En vérité, ce n'est pas l'amour de Dieu qui l'incite à cette tristesse, ni le péché (...]. C'est l'amour-propre : nous voudrions être exempts du mécontentement que nous causent ces accès de colère ainsi que des efforts que nous devons faire pour en contenir les élans (…)

La purification de notre âme ne s'achèvera qu'avec notre vie. Par conséquent, ne nous inquiétons pas de nos imperfections ; car notre perfectionnement consiste précisément à les combattre. 


Ô mon âme, ne cessons pas de nous redire l'histoire de toutes les grâces qu'il nous a faites. 

Si nous pouvions goûter, ne serait-ce qu'une seule seconde, à l'amour infini de Dieu à notre égard, nous serions retournés sur-le-champ, nous serions guéris à jamais de la crainte de ne plus être aimés à cause de nos péchés.


Si seulement nous pouvions comprendre un tant soit peu la douleur que Dieu éprouve lorsqu'un pécheur préfère demeurer à distance de son amour ! Cela contraint Dieu à comprimer les flots d'infinie tendresse qui sont en son cœur.


Plus nous nous connaîtrons misérables, plus nous nous confierons en la bonté et miséricorde de Dieu. Car entre la miséricorde et la misère il y a une certaine liaison, si grande que l'une ne peut s'exercer sans l’autre.


Il est très bon d'avoir de la confusion, quand nous avons la connaissance et le sentiment de notre misère et de nos imperfections, mais il ne faut pas s'y arrêter ni s'en décourager, il faut plutôt élever son cœur en Dieu par une sainte confiance dont le fondement doit être en lui et non pas en nous.


Parmi les mendiants, ceux qui sont les plus misérables, et dont les plaies sont les plus grandes et effroyables, se tiennent pour les meilleurs mendiants, et plus aptes à obtenir l'aumône. Nous ne sommes que des mendiants : les plus misérables sont de meilleure condition : la miséricorde de Dieu les regarde volontiers. 


Vos misères et vos infirmités ne doivent pas vous étonner : Dieu en a vu bien d'autres, et sa miséricorde ne rejette pas les misérables, mais s'exerce à leur faire du bien, faisant de leur misère le sujet de sa gloire.


Si vous prenez un verre, et que vous l'emplissiez dans une fontaine, et que vous buviez dans ce verre sans le sortir de la fontaine, vous pouvez boire tant que vous voudrez, le verre ne se videra point. Mais si vous le tirez hors de la fontaine, quand vous aurez bu, le verre sera vide. Ainsi en est-il des amitiés, quand on ne les retire point de leur source, elles ne tarissent jamais.

Autrement dit : aimons notre prochain avec le vase de notre cœur, en nous recevant constamment de la source d'eau vive qu'est l'amour du Christ.


Nous ne le dirons jamais assez : si l'enseignement de notre saint pénètre si bien dans les âmes, c'est que François s'est laissé lui-même envahir par la sagesse de l'Esprit. Il pouvait sans difficulté parler de la charité parce qu'il la vivait à la moindre occasion, il respirait la bonté de Dieu. Saint Vincent de Paul en bénéficia grandement, cela le poussa à faire la déposition suivante lors du procès de béatification : « Sa bonté était d'une telle douceur, que ceux qui s'entretenaient avec lui éprouvaient une joie intense, qu'ils la sentaient doucement pénétrer dans leur cœur. J'ai eu moi-même part à ces délices. Je me souviens que, retenu au lit pour cause de maladie, il y a près de six ans, je répétais en moi-même : "Qu'elle est grande la bonté divine! Mon Dieu, que vous devez être bon, puisque monseigneur de Sales, votre créature, est lui-même rempli de tant de bonté !" »


« C'est un amour du cœur, non du cœur de la chair mais du cœur de la volonté. » (sainte Jeanne de Chantal)


Mettez de plus en plus dans votre cœur l’esprit de douceur, qui est le vrai esprit de Jésus (…) Il faut avoir la douceur jusqu'à l'extrémité envers le prochain et même jusqu'à une certaine niaiserie et ne jamais user de revanche envers ceux qui font des mauvais offices. Croyez que si nous perdons quelque chose pour cela, notre Seigneur nous récompensera bien d’ailleurs (…) Il vaut mieux avoir à rendre compte de trop de douceur que de trop de sévérité. Dieu n'est-il pas tout amour ? Dieu le Père est le Père des miséricordes, Dieu le Fils se nomme un agneau, Dieu le Saint-Esprit se montre sous la forme d'une colombe qui est la douceur même (…)

S'il plaît à Dieu que nous ayons l'amour de leurs cœurs, c'est une grande consolation et bénédiction de Dieu ; si cela ne plaît pas à sa Bonté, et que nous devions nous contenter de l'amour du Cœur de Notre Seigneur, c'est bien assez.


(…) l’inclination au péché que la tradition appelle la concupiscence…

Il ne suffit pas que vous quittiez le péché, encore faut-il détacher votre cœur de tous les liens qui découlent du péché. Car, outre le danger de retomber, ces liens maintiendraient votre esprit dans une faiblesse et une lourdeur languissantes, qui l'empêcheraient d'agir promptement, ardemment et fréquemment, alors que c'est en cela que consiste précisément la vraie vie spirituelle (…)

Si nous pouvions voir en un seul instant la gravité de nos péchés, les dégâts qu'ils occasionnent dans notre âme, le mal qu'ils font aux autres et même au cosmos, sans compter les blessures qu’ils infligent au cœur de notre bon Jésus, nous changerions de vie sur-le-champ.

(…) c’est comme si elle [la bien-aimée] eût voulu dire : De moi-même je suis immobile, mais quand vous m'attirerez, je courrai. Le divin Amant de nos âmes nous laisse souvent englués dans nos misères, afin que nous sachions que notre délivrance vient de lui, et que, quand nous l'aurons, nous la tenions bien chère comme un don précieux de sa bonté (…)

Si vous n'avez point de vertu, ou que vous n'en aperceviez point en vous, ne vous mettez pas en peine. [...] Dieu aura soin de vous, et sera obligé de vous pourvoir de tout ce qui vous sera nécessaire (…)

De par sa fragilité, et sa tendance innée à descendre plutôt qu'à monter, notre nature humaine est sujette à l'inconstance. Tenir ses résolutions, rester ferme dans ses propos, exige d'elle une grande force d’âme (…)

Les habitudes que nous acquérons par notre volonté ne disparaissent pas par un seul acte qui leur serait contraire (…) Ce n'est que par les actes réitérés que nous acquerrons les vertus (…)

Il faut savoir que les vertus sont intimement reliées entre elles : pratiquer assidûment une seule vertu pendant une période attire forcément les autres.


Nous voudrions nous attarder plus longuement sur la vertu des vertus : l’humilité (…) Cet esprit d'humilité ne s'acquiert que par des actes réitérés, prévient notre saint.

L'humilité n'est pas autre chose qu'une parfaite reconnaissance que nous ne sommes rien, qu'un pur néant (…) par nous-mêmes nous ne sommes que néant et péché ; le bien qui peut se faire en nous, même s'il est accompli avec notre collaboration, n'a que Dieu en définitive pour origine (…) tout recevoir de Dieu et tout lui retourner. À l'inverse, nourrir des sentiments d'orgueil, s'approprier telle réussite, tout ceci relève de la bêtise 

Ce pouvoir d'aimantation de l’humilité s'explique assez facilement. Ne dit-on pas d'une personne suffisante qu'elle est « pleine » d’elle-même ? Remplie d'elle-même, comment Dieu pourrait-il trouver de la place pour y déposer son amour et sa grâce ? À nouveau Jeanne de Chantal : « (…) l’humilité est le siège de la grâce. » On saisit mieux pourquoi l'humilité est la vertu des vertus, sa seule présence attire les autres vertus (…) « Il n'y a que les humbles qui glorifient et honorent Dieu comme il faut, parce que, reconnaissant que d'eux-mêmes ils ne sont rien et ne peuvent rien de bon, ils rendent à Dieu l'honneur et la gloire de tout ce qu'ils font de bien, connaissant et confessant qu'il est la source et l'origine de toutes grâces et vertus. » (…)

L’humilité ne consiste pas seulement à nous défier de nous-mêmes, mais aussi à nous confier en Dieu (…)

Il y a donc fausse humilité lorsque l'âme passe son temps à s'apitoyer sur elle-même et sur ses misères au point de ne voir qu'elles. Choisissons plutôt l'authentique et bienheureuse humilité, l'humilité proprement chrétienne qui plaît à Dieu : l'âme voit en vérité son néant et sa crasse, mais elle ne s'arrête pas là, elle transforme tout cela en tremplin pour se jeter en Dieu (…)

L'humilité qui ne produit point la générosité est indubitablement fausse, car après qu'elle ait dit "Je ne puis rien, je ne suis rien qu'un pur néant", elle cède aussitôt la place à la générosité de l'esprit, laquelle dit "Il n'y a rien et il ne peut rien y avoir que je ne puisse, puisque je mets toute ma confiance en Dieu qui peut tout."


Nous sommes malheureusement trop nombreux à penser que le bonheur réside dans l'absence de problèmes... (…) Dieu (…) sait par ailleurs que notre cœur, limité et pécheur, a absolument besoin de passer au creuset de la purification pour recevoir la plénitude de la joie de Dieu : Soyez exercée en l'école de la croix, seule capable de perfectionner nos âmes.

(…) Souvent notre amour est captatif, intéressé, calculateur, mesquin, nous ne savons pas aimer sans retard, sans retour et sans réserve. Pour parvenir à cet amour bienheureux, combien de détachements douloureux sont nécessaires !

(…) la croix purificatrice et rédemptrice se trouve à la racine du bonheur ; la croix est même la condition indispensable du bonheur plénier. Aucun dolorisme, jansénisme ou masochisme, ne guide cette conclusion mais plutôt l'amour et le bonheur : seul un grand amour peut donner sens à l'insensé de la souffrance, seul l'abandon d'amour au cœur de la souffrance permet d'accéder au bonheur suprême.

(…) C’est la manière de vivre la souffrance qui fait grandir, et non pas la douleur en tant que telle. Les peines de la vie, les épreuves, les douleurs ne délestent et n'affinent l'âme qu'à la mesure de (…)  La souffrance en tant que telle n'en fait pas automatiquement une croix. La souffrance devient une croix - avec tout ce que cela peut comporter de fécondité, et pour la personne concernée et pour le monde - uniquement lorsque l'âme douloureuse vit son épreuve « dans » le Crucifié-Glorifié, lorsqu'elle unit ses souffrances à la Passion rédemptrice de son Seigneur,


Puisque Dieu n'est que Père, laissons-le écrire le scénario de nos vies : c'est le meilleur moyen de basculer plus rapidement entre ses mains et de s'éviter de nombreuses souffrances inutiles.


La partie inférieure de l'âme correspond au sensible, aux émotions. Si, par exemple, nous sommes confrontés à une difficulté, cela déclenche en nous de multiples émotions pénibles (…) Si la personne reste cramponnée à ce qu'elle ressent, si elle ne veut pas décoller de ses impressions, elle va rapidement perdre pied. Elle aura beau faire des prières, elle continuera à boire la tasse sous la violence des vagues (…)

Si nous voulons expérimenter la sérénité profonde, il n'y a pas d'autre issue que de se blottir dans la partie supérieure de l'âme, en pratiquant assidûment l'abandon confiant et l'union de notre volonté à celle de Dieu. Le secret de la sérénité étonnante de saint François de Sales et de sainte Jeanne de Chantal est à chercher là et nulle part ailleurs : l'âme trouve la paix profonde au plus haut de l'esprit, dans sa suprême partie, c'est là que se tient l'amour divin (…)

Etant donné que la personne en souffrance ne s’abandonne plus à son ressenti douloureux mais choisit de s'abandonner à Dieu et à sa sainte volonté, il se produit comme un phénomène de « dérivation» : l'âme douloureuse n'adhérant plus à ce qu'elle ressent mais davantage à Dieu, il y a automatiquement une prise de distance affective, psychologique et même physique - un phénomène de dérivation - avec la souffrance elle-même. Le monde médical confirme cette conviction (…)


« Le monde ne s'attache qu'à l'écorce, et ne va pas jusqu'à voir la moelle cachée sous la douceur de la croix. Il ne voit que l'écorce, qui paraît rude et fâcheuse, mais ne pénètre point jusqu'au-dedans, où l'on goûte plus de plaisir, si l'on aime Dieu, que l'on n'en trouvera jamais dans la jouissance de faux et vains contentements que le même monde peut donner. » (Sainte Jeanne de Chantal)

(…) Cette science de la croix ne s’apprend pas dans les livres, même les plus spirituels, comme s'il suffisait d'en comprendre intellectuellement les termes pour automatiquement tomber dans l'abandon. La sagesse de la croix est la science par excellence de l’amour : tant qu'on ne veut pas se « mouiller », tant qu'on ne veut pas descendre en son intérieur par une expérience personnelle d'abandon à Dieu, cet évangile de la souffrance demeure indéchiffrable. François de Sales fait appel au bâton de Moïse pour donner de le comprendre: [les tribulations] en elles-mêmes sont effrayantes. Mais si vous savez voir en elles l'expression de la volonté de Dieu, elles deviennent objet d'amour et source de joie (…) 

Au coeur de nos croix, le Christ ne fait pas que nous rejoindre passivement par sa présence, il nous y rejoint activement par sa rédemption : si donc, souffrant, je m'en remets au Christ libérateur, il n'attend que cela pour changer ma désolation en consolation, mon angoisse en paix, ma révolte en union d'amour, ma mort en semence de vie (…) Les témoignages admirables ne manquent pas dans ce registre. Telle personne aux prises avec une santé fragile se décide à la choisir, après avoir compris que Dieu pouvait tirer de cet holocauste d'amour de multiples fruits de vie, de paix, de conversion : ce basculement effectué, cette personne fragile rayonne de joie.


Il ne faut pas se former des craintes inutiles. Il suffit de recevoir les maux qui de temps en temps nous arrivent, sans les prévoir par l'imagination. Dans ces périodes d'accablement, nous n'avons souvent pas d'autre choix que de nous tenir agrippés à Jésus, instant après instant, tant le lendemain avec ses incertitudes décuple l'angoisse et la douleur (…)

Ne pensez point à ce qui arrivera demain, car le même Père éternel, qui a soin aujourd'hui de vous, en aura soin et demain et toujours.

Il est impossible de « capitaliser » de la grâce aujourd'hui pour le lendemain. Vouloir agir ainsi équivaut à sortir de la confiance et donc à sortir de l'amour. Dans la Bible, nous lisons souvent cette recommandation de s'appuyer sur Dieu dans le moment présent. Ainsi, la sollicitude de Dieu pourvoit à la nourriture du peuple élu au cours de sa traversée du désert : chaque nuit, le Seigneur dépose une mystérieuse « manne », mais avec l'impossibilité pour le peuple d'en faire des réserves (…) La Prière du Seigneur nous invite à demander le pain, mais rien que pour ce jour (…) Demeurez en paix, ma chère fille ; ôtez de votre imagination ce qui peut vous troubler... Que peut craindre l'enfant entre les bras d'un tel père ? Soyez bien un enfant, ma très chère fille ; et, comme vous savez, les enfants ne pensent pas à tant d'affaires : ils ont qui y pense pour eux (…)

Ne pensez point à ce qui arrivera demain, car le même Père éternel qui a soin aujourd'hui de vous en aura soin et demain et toujours : ou il ne vous donnera point de mal ou, s'il vous en donne, il vous donnera un courage invincible pour le supporter.


Ce qui fait l'excellence de l'abandon spirituel, c'est l'incomparable efficacité qu'il possède en lui-même (…) l’abandon réalise le bon branchement (…)

En se décidant à conformer notre volonté propre à celle de Dieu, à force, cela ne peut que nous décentrer de nous-mêmes et dégonfler ce moi infatué de lui-même. L'union de volonté déplie ce mouvement centripète du Moi et le centre de plus en plus sur le Toi de Dieu (…)

Qui est bien attentif à plaire amoureusement à l'Amant céleste n'a ni le cœur ni le loisir de se retourner sur soi-même (…)

Cet oubli de soi n'est pas seulement une noble vertu, cela crée un véritable « boulevard » pour Dieu, lui qui ne prend que la place qu'on lui donne. On peut donc dire que l'abandon au bon vouloir de Dieu signe le début d'une vie proprement spirituelle, l'Esprit ayant désormais plus de latitude pour prendre les choses en main.


« Le centre de l'âme, c'est Dieu », écrit saint Jean de la Croix, une des références spirituelles de François.


Qu'il est donc bienheureux le cœur qui aime Dieu sans autre plaisir que celui de plaire à Dieu !


Nous ne supposons pas le pouvoir qu'a la confiance sur le cœur de Dieu.


Le mal profond qui ronge l'homme réside dans la recherche désordonnée de lui-même par l'orgueil, l'égoïsme, la sensualité, etc. Nous sommes loin de supposer l'ampleur de ces plis et la gravité de notre noirceur intérieure. Nous voir en vérité est finalement impossible sans les lumières de l’Esprit ; nous changer en profondeur est impossible sans les dons de l'Esprit. Lorsque l'âme entre dans l'abandon, elle reste la même, toujours aussi faible et pécheresse, mais un début de transformation s'amorce, elle se place résolument en orbite autour de la volonté de Dieu, son vrai et unique centre de gravité. Tout change! (…)

Avec l'abandon à Dieu et la conformité à son divin vouloir, une vitesse supérieure va s'enclencher. Étant donné que l'âme consent à lâcher le volant de sa propre vie pour le confier à Dieu, celui-ci ne se fait pas prier longtemps. Lorsqu'on l'autorise à prendre les commandes, le Très-Haut est comme libéré, il peut enfin donner à profusion ses dons, ses lumières, son amour. En lui remettant notre vie, nous réjouissons Dieu, nous lui permettons de rayonner en nous. La personne livrée a alors l'impression que son cœur se «liquéfie » sous l'onction de l'Esprit. Écoutons François de Sales, il parle d'expérience : « Un cœur doux, docile, perméable aux suggestions divines, est qualifié de "cœur liquide » (…)

Précisons que la disponibilité à l'agir de Dieu ne vise pas seulement la correction des défauts et la croissance des vertus, c'est l'ensemble de la vie de la personne qui est prise en charge par Dieu. 

J'ai été plus d'une fois témoin de personnes qui présentaient un réel déficit de confiance en elles-mêmes, et qui, par la pratique assidue de l'abandon et de la conformité de volonté, se sont découvertes beaucoup plus assurées, Il me semble de plus en plus que le fond du problème de la confiance en soi n'est pas d'abord psy, même si certaines personnes ont pu tirer bénéfice d'une aide en ce domaine. Il s'agit d'un problème de foi. II n'est pas d'Être qui ait plus confiance en chacun d'entre nous que Dieu lui-même.


Entre les bras de leur maman, les enfants vivent en assurance et savent que rien ne pourrait leur nuire, pourvu qu'ils tiennent sa main [...]. Tendez la main à Dieu et ne vous épouvantez point, car il vous sauvera et protégera contre tous vos ennemis.


Il est frappant de voir de nombreux saints, diminués physiquement ou frappés de limites apparemment irrémédiables, accomplir de lourdes tâches ou s'engager dans des projets de construction, d'évangélisation, de fondations qui dépassent la mesure humaine.


L'âme dont nous parlons est tellement livrée à son Seigneur, qu'elle a conscience de vivre avec lui un compagnonnage et même un « mariage ».


L'âme est constamment installée dans cette disposition intérieure : « Seigneur, que veux-tu que je pense ? Que veux-tu que je fasse ? Comment veux-tu que je le fasse ? » Une telle attitude de réceptivité ne peut que détendre l'âme et toutes les facultés de la personne (…)

L’union de volonté crée un certain détachement intérieur vis-à-vis de ce qu'elle entreprend, ce qui fait qu'elle connaît rarement l'épuisement comme par le passé.

(…) l'âme livrée à Dieu se jette à corps perdu dans le combat, mais elle sait que Dieu combat pour elle et avec elle (…) La victoire est assurée car le « partenaire » est puissant et nous a déjà obtenu la victoire…


Vous me demandez à quoi doit s'occuper intérieurement cette âme qui est tout abandonnée entre les mains de Dieu. Elle ne fait rien sinon demeurer auprès de Notre Seigneur, sans avoir souci d'aucune chose, pas même de son corps ni de son âme. Puisqu'elle s'est embarquée sous la providence de Dieu, qu'a-t-elle à faire de penser à ce qu'elle deviendra ? Notre Seigneur, auquel elle s'est toute délaissée, y pensera pour elle. Je n'entends pas pourtant dire qu'il ne faille pas penser les choses auxquelles nous sommes obligés, chacun selon sa charge. 


L'âme veut et aime tellement la volonté de Dieu que celle-ci fait office de « pare-chocs » entre la personne et sa souffrance…


On ne peut aimer Dieu parfaitement qu'à condition de rompre toutes les affections qui nous attachent aux choses périssables.


Notre liberté n'est jamais plus libre que lorsqu'elle est esclave de la volonté du Seigneur. Elle n'est jamais plus esclave que lorsqu'elle sert notre volonté propre, elle n'est jamais plus vivante que lorsqu'elle meurt à elle-même.


Le bienheureux père Brisson résume ainsi ce que mère Chappuis entendait par sa fameuse voie : « Elle entendait par là un état d'âme qui consiste à dépendre de la volonté actuelle de Dieu en agréant intérieurement ce qui est de son bon plaisir, et imitant extérieurement la vie du Sauveur (…) Elle disait que le Sauveur venait d'obtenir de Dieu son Père que cette voie fût mise en activité d'une manière toute spéciale, et qu'il comblerait de grâces et de faveurs ceux qui voudraient la suivre et y rester invinciblement fidèles. »

Ces paroles prophétiques peuvent surprendre, interroger, j'en conviens. Mais lorsqu'on les met en correspondance les propos tenus par certaines


Décidons-nous sans tarder à vivre dans l'indifférence intérieure, et le maintenant dans le bon vouloir de Dieu (…) En cette pratique, vous trouverez la paix pour vos âmes : Tenez vos cœurs en cette sainte indifférence... Je veux dire, en un mot, ne désirez rien, mais laissez-vous, vous-mêmes et toutes vos affaires, pleinement et parfaitement au soin de la divine Providence. 

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