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samedi 26 novembre 2016

« Fidel Castro - Biographie à deux voix » d’Ignacio Ramonet (2006)

Le jour même - le 8 janvier 1959 - où Fidel Castro, alors âgé de trente-deux ans (…) entrait victorieux à La Havane, en France, le général de Gaulle prenait ses fonctions de premier président de la Vè République… Fidel Castro a tenu tête a pas moins de dix présidents américains…

En dépit d’un tel acharnement américain et des quelques six cents tentatives d’assassinats fomentées contre lui, Fidel Castro n’a jamais riposté par la violence. Pas un seul acte violent n’a été enregistré aux Etats-Unis depuis quarante-huit ans qui ait été commandité par La Havane.

Aucun démocrate ne saurait accepter, pour quelque raison que ce soit, l’existence de prisonniers d’opinion non violents, et le maintien de la peine capitale. Les rapports critiques d’Amnesty International ne signalent cependant à Cuba aucun cas de torture physique, de « disparition », d’assassinat de journaliste, de meurtre politique ou de manifestation réprimée avec violence par la force publique.

(…) l’adhésion des Cubains, dans leur majorité, à la révolution, est une réalité politique. C’est une adhésion fondée sur un patriotisme qui, contrairement à ce qui s’est passé dans les pays communistes d’Europe de l’Est, s’enracine dans la résistance historique aux ambitions annexionnistes des Etats-Unis.

Jamais il n’élève la voix. Je ne l’ai jamais entendu donner un ordre. mais il exerce une autorité absolue sur son entourage. Par son écrasante personnalité (…) C’est aussi un homme qui, d’après ce que j’ai pu constater, vit de façon très modeste, quasi spartiate : luxe zéro, mobilier austère, nourriture saine, frugale, macrobiotique. Habitudes de moine-soldat. La plupart de ses ennemis admettent qu’il figure parmi les rares chefs d’Etat à n’avoir pas tiré profit de ses fonctions pour s’enrichir. Il dort à peine quatre heures, et pique un somme d’une heure ou deux à n’importe quel moment. Sa journée de travail, sept jours sur sept, se termine généralement vers cinq ou six heures du matin, au point du jour.

« L’intendance suivra », disait le général de Gaulle. Fidel pense de même. Ce qui est décidé est fait. Il croit avec passion à ce qu’il entreprend. Son enthousiasme semble contagieux, il stimule les volontés. Ce doit être cela, le charisme.

*****

Si on fait la somme, mon père détenait (…) plus de onze mille hectares de terres. J’appartenais  effectivement, pour l’époque, à une famille plus que « relativement » riche. A l’échelle de la région, nous étions très riches (…) les enfants, dans cette société miséreuse, on nous traitait comme des gosses de riches. La plupart des gens qui nous approchaient n’étaient aimables avec nous que par pur intérêt…

Les partis révolutionnaires radicaux naissent souvent dans la clandestinité avec, à leur tête, un petit nombre de personnes. Ils sont en général plus solides et résistent mieux à l’usure du temps.

Deux semaines plus tard, Raul nous a rejoints avec cinq fusils de plus. Au total, nous en avions donc sept. A ce moment-là, j’ai dit : « Maintenant, oui, nous pouvons remporter cette guerre. » Je me rappelais la phrase de Carlos Manuel de Cespedes qui, en réponse au pessimistes, s’était exclamé, alors qu’il se trouvait dans une situation semblable avec douze homme en tout et pour tout : « Il nous reste encore douze hommes ! C’est suffisant pour conquérir l’indépendance de Cuba. » (…) 
Pendant une période, nous avons combattu avec à peine sept fusils. Puis avec l’aide de paysans qui avaient récupéré les armes de certains de nos camarades assassinés, nous avons réuni dix-sept armes de guerre. Avec ces armes nous avons obtenu notre première victoire.

Le premier combat a eu lieu contre une patrouille mixte de soldats et de marins. C’était le 17 janvier 1957, exactement quarante-six jours après notre débarquement. Ce fut notre première victoire, petite mais symbolique. Cinq jours plus tard, un peloton de parachutistes qui marchait à l’avant-garde d’une colonne de trois cent hommes est tombé dans une embuscade que nous avions préparée dans ses moindres détails. Résultat : chez eux, une perte de cinq hommes et pour nous, un fusil semi-automatique Garand et son lot de munitions en guise de trophée (…) A la suite de la misérable trahison de l’unique guide dont nous disposions, nous avons ensuite rencontré d’énormes difficultés quand nous étions en pleine récupération. Nous sommes retombés à vingt, puis à douze hommes.

Le Che a commencé à soigner le médecin militaire de la caserne qui était blessé à la tête, puis à eux deux ils se sont occupés des soldats blessés, plus nombreux que les nôtres. Le Che a soigné aussi bien nos adversaires que nos propres hommes. Vous n’imaginez pas la sensibilité de cet homme !

A cette époque, un colonne agissait en suivant la tactique de la guerre de mouvement, attaquer et se replier, sans base territoriale permanente.

Le Che était très audacieux. Parfois il valorisait trop la force au détriment de la rapidité. Il préférait une troupe chargée de mines et d’armes…

L’armée a attaqué les positions de la Colonne 1 avec quelque dix mille hommes (…) soutenus par l’aviation et les forces navales. Ils croyaient que nous ne résisterions pas à la violence d’une telle attaque. C’était la première fois que nous défendions notre territoire de la Sierra Maestra pas à pas, et nous n’étions pas même deux cents lorsque cette offensive a commencé. Les combats ont duré plus de soixante-dix jours consécutifs (…) Une fois cette dernière offensive vaincue, nous n’étions en tout que neuf cents hommes armés, mais nous avons réussi à envahir presque tout le pays.

En très peu de temps, nous avons réussi à encercler et immobiliser l’armée de Batista. Dans la province d’Oriente, dix-sept mille soldats ennemis ou plus se sont retrouvés pris dans nos filets ; ils n’avaient pas d’échappatoire, nul ne pouvait s’enfuir (…) Les frégates sont faites pour combattre en pleine mer, à cinq ou six kilomètres de distance, et non pour affronter huit mitrailleuses situées à trois  cent mètres d’altitude. Elles étaient vraiment dans l’impasse.

C’était le 1er janvier 1959. Exactement cinq ans, cinq mois et cinq jours après l’attaque de la Moncada, le 26 juillet 1953. Pour moi, presque deux ans de prison, deux ans à l’étranger à préparer le retour en armes, puis deux autres années et un mois de guerre.
Lorsque nous avons appris par la radio, le 1er janvier, que Batista avait fui et qu’un coup d’Etat avait eu lieu dans la capitale, nous nous sommes rués vers notre station de radio à Palma Soriano pour lancer l’appel à la grève générale révolutionnaire. Nous avons donné des instructions à nos troupes : « Ne vous arrêtez surtout pas, il n’y a pas de cessez-le-feu ! »

Nous avons développé une guerre de mouvement, je vous l’ai dit : attaquer et se replier. Les surprendre. Attaquer sans répit (…) Nous avons brûlé la canne pour harceler Batista, pour le forcer à déplacer et à scinder ses effectifs, et pour le priver du soutien des grands propriétaires terriens. Nous avons saboté les voies de communication et les moyens de transport. A nos yeux, la guérilla était le détonateur d’un processus dont les points culminants étaient la grève générale révolutionnaire et le soulèvement de l’ensemble de la population (…) Nous avons été forcés de développer des idées originales pour surmonter un obstacle gigantesque : vaincre un gouvernement soutenu par une armée bien équipées de quatre-vingt mille hommes.

(…) l’adversaire est fort lorsqu’il tient ses positions, derrière sa ligne de défense, et il est au contraire faible lorsqu’il se déplace et se disloque. Nous avons développé l’art de forcer l’ennemi à bouger pour l’attaquer au moment et à l‘endroit où il serait le plus vulnérable.
Il faut garder en tête que, dans nos forêts tropicales, par exemple, une colonne de quatre cents hommes avance en file indienne. Par endroits, le terrain ne permet d’avancer que de cette manière. L’aptitude au combat d’un bataillon avançant en file indienne est minime, tout déploiement lui est impossible. Nous éliminions leur avant-garde avant de les attaquer en leur milieu et de prendre leur arrière-garde par surprise, quand ils battaient déjà en retraite, et sur le terrain que nous avions choisi.

Lorsqu’un ennemi en arrive à admirer et à respecter son adversaire, c’est une victoire psychologique majeure qui est obtenue. Il t’admire pour l’avoir vaincu, parce que tes coups ont été rudes, mais aussi parce que tu l’as respecté, parce que tu n’as frappé, insulté, maltraité, ou assassiné aucun soldat (…) Il faut comprendre que ce qui nous animait dans le combat contre ce régime, c’était qu’il torturait et assassinait. Je l’ai déjà dit à ceux qui nous accusent aujourd’hui de violer les droits de l’homme : « Trouvez un seul cas d’exécution sommaire, trouvez un sel cas de torture. »

Les hommes qui ont attaqué la caserne Moncada auraient pu éliminer Batista dans sa propriété, ou sur la route, comme a été finalement liquidé Trujillo le 30 mai 1961. Mais notre façon de voir les choses était très claire : le magnicide ne règle pas le problème. Les forces réactionnaires en mettent aussitôt un autre à sa place, et le mort est transformé en martyr par les siens.

(…) les personnes innocentes ne peuvent pas être sacrifiées. C’est, pour nous, depuis toujours un principe, presque un dogme.

Nous ne nous soucions guère des soldats ennemis tombés au combat, mais pour ceux qui se rendaient ou étaient faits prisonniers, en revanche… Sans ça, on ne peut pas l’emporter. Il y a des principes élémentaires dans la guerre et la politique. L’éthique n’est pas simplement une question morale, l’éthique est rentable.

Je vous l’affirme : il est impossible de gagner une guerre sur la base du terrorisme. C’est aussi simple que cela. C’est prendre le risque de rencontrer l’opposition l’inimitié, et le rejet de ceux dont on a précisément besoin pour gagner la guerre. C’est pour cela que nous avons eu le soutien de 90% de la population. Croyez-vous que nous aurions eu un tels soutien en sacrifiant des personnes innocentes ? Croyez-vous qu’en posant des bombes ou en tuant des soldats prisonniers, en massacrant des civils, nous aurions obtenu les armes que nous avons obtenues ?

Dès le premier combat nos médicaments ont servi à traiter les blessés, les nôtres et ceux de l’armée. Nous étions dix-neuf.

Notre politique, c’était invariablement le respect de l’adversaire. Si on les tue lorsqu’ils se rendent, leurs camarades lutteront la prochaine fois jusqu’à la mort et il en coûtera des balles et des vies amies. Résultat : on ne gagne pas la guerre.

Certains soldats se sont livrés jusqu’à trois fois, et par trois fois nous leur avons rendu la liberté. Nous ne conservions en fin de compte que leurs armes (…) Les soldats ennemis étaient nos pourvoyeurs d’armes. Les paysans étaient nos pourvoyeurs de nourriture, notre principal soutien. Les soldats de Batista allaient partout volant, brûlant des maisons et tuant des gens. Les paysans voyaient bien que nous, en revanche, nous les respections, que nous payions pour ce que nous consommions, et même au-dessus du juste prix.

Vers la fin de la guerre, nous avions un émetteur à ondes courtes d’un kilowatt installé au sommet d’une montagne ; à certaines heures, il avait le taux d’écoute le plus élevé de Cuba. Nous l’utilisions pour expliquer aux gens que notre mouvement ne voulait pas voir de gens lynchés dans les rues, ni de vengeances personnelles, puisque justice seraient rendue.

Dans la Sierra Mastra (…) lorsque (…) en cas de grave trahison ou d’espionnage, un conseil de guerre pouvait prononcer une condamnation à la peine capitale (…) dans le tout petit nombre de cas où nous avons dû appliquer la peine capitale, il a presque fallu désigner de force ceux qui s’acquitteraient de cette obligation sinistre (…) Ce qui s’est passé ensuite, avec les procès de La Havane, a été une erreur, mais cela n’était motivé ni par la haine ni par la cruauté. Il faut juger les responsables de crimes de guerre, mais il ne faut pas le faire dans une salle remplie de milliers de personnes, où la haine pour le meurtrier est unanime.

Le Parti a pris la sévère mesure de refuser les croyants dans ses rangs. J’estime que je suis en grande partie responsable ; nous pensions que cela pouvait donner lieu à un conflit de loyautés (…) j’ai été parmi les premiers à défendre l’adhésion de croyants. Cela fait plus de trente ans que je suis en relation avec les théoriciens de la théologie de la libération (…) Il a fallu durement se battre (…) Il n’y a pourtant eu aucun prêtre fusillé.

L’opération Peter Pan par exemple, l’enlèvement avéré de quatorze mille enfants de ce pays, justifié par une calomnie atroce contre la révolution inventée par nos adversaires : la révolution allait priver les parents de l’autorité parentale. Sous ce prétexte, en raison de cette peur absurde, on a envoyé clandestinement aux Etats-Unis quatorze mille enfants ! Quelques prêtres catholiques cubains opposés à la révolution et quelques prêtres de Miami ont participé à cet enlèvement massif (…) Ils ont prétendu que nous allions les envoyer en URSS, où ils seraient transformés en conserves de viande, et que les conserves seraient ensuite envoyées à Cuba…
  • Ils les ont progressivement sortis du pays clandestinement ?
Pas précisément, puisqu’il était permis de voyager à tout un chacun, y compris aux médecins, qui nous faisaient tant défaut. Les adversaires de la révolution ont aussi pris la moitié de nos médecins(…) ils envoyaient plutôt les enfants de manière frauduleuse, avec un parent ou un ami, en contournant les règles et sans aucune assurance quant à ce qu’il adviendrait d’eux (…) Il n’était pas interdit aux citoyens cubains de se rendre aux Etats-Unis. Aucun obstacle ne leur était opposé ; ils devaient juste remplir les plus élémentaires formalités d’identification. Ils n’avaient aucune raison d’y envoyer les enfants avec des papiers falsifiés ou sans papiers.

Je passais en réalité mes journées à régler les problèmes provoqués par des gaffes de notre fort peu expérimentés et malheureusement incompétent président. Il avait fini par lasser ses propres ministres. A ce moment-là, Urrutia s’est de surcroît laissé gagner par la mode de l’anticommunisme.

(…) pendant quatorze ans, nous avons compté 5 780 actions terroristes contre Cuba, dont 717 attaques sérieuses contre des équipements industriels (…) D’après une source proche de la CIA, sous la présidence de Richard Nixon, en 1971, un container a permis d’introduire le virus de la peste porcine à Cuba. Nous avons dû sacrifier plus d’un demi-million de porcs. Ce virus, d’origine africaine, était inconnu chez nous. Ils l’ont introduit à deux reprises.
Mais il y a eu bien pire : le virus de type II de la dengue, qui provoque des fièvres hémorragiques souvent mortelles pour l’être humain. C’était en 1981. Plus de 350 000 personnes ont été contaminées (…) Ce sérotype du virus était alors inconnu dans le monde ; il avait été créé en laboratoire. En 1984, un dirigeant de l’organisation terroriste Omega 7, basée en Floride, a admis qu’ils avaient introduit ce virus mortel à Cuba dans l’intention de provoquer le plus nombre possible de victimes.

Il y avait ici une grande mafia du jeu et de la contrebande, des gangsters dont les intérêts ont été durement affectés par la révolution. Ils ont été utilisés par le gouvernement des Etats-Unis pour exécuter des attentats et ourdir des plans contre nous (…) la tristement célèbre Fondation nationale cubano-américaine, depuis sa création par Ronald Reagan et Gorge H. Bush, en 1981. 

Le 17 avril 1961, une expédition de quelque mille cinq cents mercenaires entraînés par la CIA (…) sur cinq navires, est arrivée à Playa Giron, dans la baie des Cochons située au sud de l’île (…) Ils avaient choisi un lieu très isolé pour débarquer, Playa Giron, séparé du reste du territoire par un grand marécage. Il nous était particulièrement difficile de contre-attaquer, parce qu’on ne pouvait passer que par deux routes, à travers dix kilomètres de marécages impraticables (…)
  • Vraiment, aucune prisonnier de Giron n’a été maltraité ?
Pas un coup de leur a été porté (…) Le plus admirable, c’est qu’il y avait là, sur plusieurs fronts, des milliers de nos hommes qui avaient lutté durement et avaient vu tomber, morts ou blessés, plus de quatre cent cinquante de leurs chers camarades (…) si nous avions exécuté les prisonniers pendant noter guerre contre Batista, qui a duré vingt-cinq mois, nous n’aurions jamais pu vaincre (…) Les prisonniers de Giron ont donc passé un certain temps en cellule, et nous avons négocié avec Washington. Ce qui paraît incroyable, c’est que leur avocat, celui qui a négocié avec moi, a été utilisé par la CIA. Il m’a offert une combinaison de plongée imprégnée de microscopiques champignons venimeux et de bactéries en quantité suffisante pour me tuer (…) On ne sait pas ce qui se serait passé si leur tentative de meurtre avait réussi. Ils se souciaient sans doute comme d’une guigne du sort de leurs hommes prisonniers (…) Je crois qu’ils nous ont versé 2 millions de dollars en espèces (…) Nous avons investi cet argent dans l’achat d’incubatrices de fabrication canadiennes pour l’industrie avicole. D’après Donovan, l’équivalent de 50 millions de dollars supplémentaires a été fourni sous la forme de nourriture pour enfants et de médicaments. Les médicaments, ils les ont estimés au prix fort.

(…) des groupes armés pratiquant une sorte de guérilla contre nous. Les Américains étaient malins (…) Les militaires américains avaient tiré les leçons de notre méthode pour battre Batista et vaincre son armée (…) Les luttes contre les guérillas contre-révolutionnaires nous ont plus coûté en vies humaines que la guerre contre Batista elle-même.

(…) dans une conflit interne, ou dans le cadre d’une mission internationaliste, tous les combattants doivent être des volontaires.

Les sandinistes avaient créé l’armée nicaraguayenne pour défendre le pays contre une agression externe de l’impérialisme, mais c’est une guerre interne que celui-ci a déclenchée ; et une guerre interne ne peut pas être faite par des simples appelés. Si, en vertu d’une loi du service militaire obligatoire, on envoie un garçon se battre et qu’il meurt, sa famille pensera que l’Etat, la révolution ou ses lois ont conduit ce garçon à la mort.

Il suffit de l’appui de 10% des civils et des paysans pour entreprendre une guerre irrégulière.

Dans les années 1980, nous avons subi en outre des agressions qu’il faut qualifier de biologiques. Il y a eu, par exemple, un parasite appelé moisissure bleue qui a détruit nos plantations de tabac. Ensuite, un champignon inconnu a attaqué notre meilleure variété de canne à sucre, la Barbados 4362. 90% de la récolte de cette variété a été perdue. Cela ne s’était jamais produit. Cela nous est aussi arrivé avec le café. D’autres plantations ont eu à pâtir d’une invasion de Thrips Palmi, un insecte ravageur de diverses cultures de légumes et de fruits. Un évènement comparable est survenu avec les pommes de terre (…) C’est difficile à démontrer, mais tout tend à prouver que ces catastrophes n’ont pas été le fruit du hasard, mais d’intentions malveillantes.

Pendant cette histoire de Giron, qui s’est déroulée en avril 1961, Kennedy a réellement hérité de la politique d’Eisenhower et de son vice-président Richard Nixon. L’invasion était déjà décidée, et les plans pour détruire notre révolution existaient déjà alors que la révolution n’avait pas encore un caractère socialiste (…) notre réforme agraire a été moins radicale que celle menée au Japon par le général Mac Arthur. Quand les Etats-Unis ont occupé le Japon, en 1945, MacArthur, qui avait les pouvoirs d’un véritable proconsul, a démantelé les grandes propriétés et distribué des parcelles de terre à des paysans pauvres (…)
Kennedy hésitait, et en fin de compte, constatant les difficultés militaires qu’éprouvaient sur le terrain les envahisseurs de Playa Giron, il a décidé de leur envoyer un appui aérien. Mais quand les renforts aériens ont été enfin prêts, il n’y avait plus de mercenaire. En moins de soixante-douze heures, la contre-attaque de l’Armée rebelle et des milices révolutionnaires avaient annihilé l’expédition…

(…) l’emplacement précis des missiles a été livrée aux Américains par un membre des services de renseignement soviétique (…) Ce qui est invraisemblable dans l’attitude des Soviétiques, c’est que, dans le même temps qu’ils installaient les batteries de missiles sol-air tout au long de notre territoire, ils n’aient pas interdit à l’adversaire (…) le survol d’avions espions (…)
Dans cet instant de très grande tension, les Soviétiques ont envoyé une proposition aux Etats-Unis. Khrouchtchev a fait l’impasse sur nous. Il a proposé de retirer les missiles de Cuba si les Américains retiraient leurs fusées Jupiter en Turquie. Kennedy a accepté le compromis le 28 octobre (…) Cela nous a semblé très incorrect, et notre irritation a été grande (…) Par principe, il aurait dû en discuter avec nous. Si nous avions participé aux discussions, les termes de l’accord nous auraient été plus favorables. Nous aurions réclamé la restitution de la base navale de Guantanamo.

A Cuba, les Soviétiques n’avaient pas donné un centime à la révolution, pas même un fusil. En janvier 1959, je ne connaissais aucun Soviétique, pas un même un de leurs dirigeants.

  • Que pensez-vous de la version officielle de l’assassinat de Kennedy ?
(…) Je ne conçois pas qu’on puisse, avec un fusil à lunette, tirer trois fois sur la même cible en l’espace de quelques secondes. lorsqu’on tirer avec un fusil à visée téléscopique, l’arme se déplace de quelques millimètres et la cible n’est plus dans le viseur (…) Trois tirs successifs aussi précis, de la part de quelqu’un sans trop d’expérience, c’est pour ainsi dire impossible.

(…) plus les Etats-Unis s’acharnaient à nous isoler davantage, plus nous jetions de ponts vers le reste du monde et nous multipliions nos relations avec d’autres Etats.

Selon moi, il n’y a pas d’objectif plus urgent que de faire naître une conscience universelle, de faire prendre conscience du problème de la préservation environnementale aux milliards d’individus, y compris les enfants, de la planète.

Nous convoquons désormais tous les jeunes, filles et garçons, entre dix-sept et trente ans, qui ont atteint le niveau du brevet, et qui, pour différentes raisons, ont abandonné leurs études et ne travaillent pas ; nous les persuadons de reprendre leurs études. Nous avons créé spécialement pour eux des cours adaptés, variés et attractifs, et on leur accorde meme une bourse.
Nous avons entamé ce programme en septembre 2001, et pour vous donner une idée des résultats, en septembre 2005 plus de quarante-cinq mille de ces étudiants avaient intégré une université.

Selon moi, Carter a été le plus honnête possible en tant que président des Etats-Unis; il a dû faire face à l’après-guerre du Vietnam, avec des caisses presque vides - 500 milliards de dollars ont été investis dans ce conflit ; les réserves d’or avaient chuté de 30 milliards de dollars. Une once d’or valait alors 35 centimes de dollar. Il ne leur restait plus en réserve que 10 milliards de dollars. C’est ce qui avait poussé Richard Nixon à supprimer, sans consulter ses principaux partenaires, la convertibilité du dollar en or en 1971, violant par là même les accords de Bretton Woods, et déterminant de manière unilatérale la libre émission de dollars sans aucune contrepartie en or.

Si Bush venait, on remplirait la place de la Révolution à La Havane (…) S’il est question d’échanger des idées, nous sommes tout disposés à débattre, sur la place de la révolution, avec quiconque souhaite venir ici discuter et convaincre notre peuple. On fournit tous les micros nécessaires, et celui qui le souhaite disposera de tout le temps souhaité pour s’expliquer avec le peuple et pour essayer de le convaincre. Parce qu’il n’est pas question d’appliquer des dogmes, mais de soutenir ce qu’on pense et ce qu’on défend, en argumentant et en raisonnant (…) 
ses petits copains de Miami, ceux-là mêmes auxquels il doit son premier mandat présidentiel, chacun le sait, comme chacun sait comment s’est déroulé son élection frauduleuse en novembre 2000. Des méthodes politiques de bas étage, puisque même les morts ont voté pour Bush (…) Une fraude colossale qui a permis à certaines personnes associées à la mafia terroriste anticubaine de Miami, ceux-là mêmes qui ont rendu possible la victoire frauduleuse de Bush, d’accéder à des poste importants, aux Relations extérieures, et même au Conseil national de sécurité de la Maison-Blanche.

Je voyais bien l’attitude de Blair… Plein d’orgueil et d’arrogance, mais rien de plus (…) Tony Blair voyait en Bill Clinton son alter ego. A cette différence près que Clinton est homme vraiment intelligent, cultivé et profond. J’avais l’impression que ce Britannique lui vouait un véritable culte, et j’étais donc loin de m’imaginer que Blair en viendrait un jour à faire de Bush son alter ego.

Je considère Aznar et Silvio Berlusconi comme deux grands laquais, deux grands héritiers du fascisme. C’est ce qu’ils sont. Berlusconi s’est lui aussi rendu maître de tous les médias, il les manipulait, et c’est pour cela qu’il a pu gagner des élections.

Je vous ai raconté mes premières années de primaire à l’école des frères catholiques français de La Salle.

Pendant les quarante années de la fameuse démocratie qui a précédé l’élection de Chavez, on estime à près de 300 milliards de dollars les sommes qui ont quitté le Venezuela, selon les calculs réalisés par des cadres du monde bancaire. Le Venezuela aurait pu devenir un pays plus industrialisé que la Suède (…) Il faut ajouter qu’entre le moment où Chavez a été élu en 1998 et l’instauration du contrôle des changes en janvier 2003, la fuite des capitaux - d’après nos estimations - s’est encore élevée à près de 30 milliards de dollars.

Un coup d’Etat a eu lieu le 11 avril 2002 à Caracas contre Chavez. Avez-vous encouragé Chavez à résister les armes à la main ?
Non, au contraire. C’est ce qu’avait fait Salvador Allende avec héroïsme, selon moi, et c’était ce qu’il devait faire vu les circonstances, mais il l’a payé courageusement de sa vie, comme il s’y était engagé. Chavez avait trois solutions : se retrancher à Miraflores et résister jusqu’à la mort ; sortir du palais et tenter de rassembler le peuple pour déclencher une résistance nationale, avec de très faibles probabilités de succès, vu la situation ; ou bien abandonner le pays sans démissionner ni se démettre, dans le but de reprendre la lutte avec de fortes chances de l’emporter rapidement.
Nous lui avons suggéré de choisir le troisième option.

(…) l’indice de mortalité infantile est en moyenne de 65 pour mille dans la majorité des pays d’Amérique latine, alors qu’à Cuba il n’est que de 6,5 pour mille. Dans l’ensemble de l’Amérique latine, il y a donc en moyenne dix fois plus d’enfants qui meurent qu’à Cuba.

L’espérance de vie atteint aujourd’hui 77,5 ans. Elle était de 60 ans environ en janvier 1959.

Pour chaque médecin resté ici en 1959, notre peuple en compte aujourd’hui au moins quinze et beaucoup mieux répartis. Plusieurs dizaines de milliers de médecins se trouvent actuellement à l’étranger dans le cadre d’opérations de solidarité (…) Aucun autre pays n’aurait pu envoyer mille médecins à un pays d’Amérique centrale frappé par un cyclone comme nous l’avons fait au Guatemala à l’automne 2005.

Si vous appelez liberté de la presse le droit que pourraient avoir la contre-révoution et les ennemis de Cuba de parler et d’écrire librement contre le socialisme et contre la révolution, le droit de calomnier, de mentir et de créer des réflexes conditionnés, je vous dirai que nous ne sommes pas favorables à cette « liberté-là ». Tant que Cuba subira le blocus et les attaques incessantes des Etats-Unis (…) Cuba est un pays dont le PIB n’enregistre pas un centime consacré à la publicité, ni dans la presse, ni à la télévision ni à la radio. Ici, nous ne dépensons pas un centime en publicité commerciale.

Dès leur apparition, les médias de masse se sont emparés des esprits et sont dominé non seulement à coups de mensonges, mais aussi en créant des réflexes conditionnés. Un mensonge n’est pas la même chose qu’un réflexe conditionné. Le mensonge affecte la connaissance ; le réflexe conditionné s’attaque à la faculté de penser. Etre mal informé n’est pas pareil qu’avoir perdu la faculté de penser parce qu’on vous a inculqué de mauvais réflexes (…) Peut-on parler de « liberté d’expression » dans des pays qui comptent 20%, 30% de vrais analphabètes et 50% d’analphabètes fonctionnels ? Selon quels critères, d’après quels éléments ces personnes pourraient-elles avoir une opinion ou donner un avis ? Dans des pays qui prétendent disposer de la liberté d’expression, beaucoup de gens cultivés et intelligents voudraient publier un article et ils n’y arrivent pas : on les ignore, on les écrase, on les discrédite.

(…) dans ce pays, pas une seule école ou usine, pas un hôpital ou bâtiment quelconque ne porte mon nom. Il n’y a pas de statue ou de portrait officiel de moi (…) je suis l’un des dirigeants que l’on voit le moins dans les médias de son propre pays…

En 2003, nous avons inauguré une troisième chaîne de télévision, exclusivement consacrée à l’éducation. En 2004, nous avons lancé une quatrième chaîne éducative.

Si vous analysez la corrélation des forces lorsque nous avons affronté Batista - mille hommes contre quatre-vingt milles -,vous constaterez que nos adversaires étaient plus de vingt-cinq fois plus nombreux que nous. c’est pourquoi je vous dis qu’il faudrait aux Américains non seulement une armée pour nous envahir mais une seconde armée, plus nombreuse encore, pour occuper l’île.

J’ai du mal à comprendre cette accusation de « dictateur » (…) A Cuba nous n’avons même pas un système présidentiel. A la tête du pays, il y a un Conseil d’Etat. J’exerce mes fonctions de dirigeant au sein d’une direction collégiale. Toutes les décisions importantes, fondamentales, sont toujours discutées et adoptées collectivement (…) Je ne suis pas même habilité à nommer les ministres ou les ambassadeurs. Ma fonction ne me permet pas de nommer le moindre fonctionnaire, si modeste soit-il. J’ai, bien entendu, de l’autorité, et de l’influence, pour des raisons historiques, mais je ne donne pas d’ordres. Je ne gouverne pas par décrets.

Nos tribunaux ne condamnent qu’en fonction de nos lois, et celles-ci punissent les actes contre-révolutionnaires. Les actes, pas les idées.

Personne ne peut citer un seul cas de torture, un assassinat, une « disparition », des choses malheureusement si communes dans toute l’Amérique latine (…) Jamais la moindre manifestation n’y a été dissoute par la force publique. Jamais, en quarante-six ans, un policier n’a frappé un citoyen parce qu’il manifestait, ni lancé des gaz lacrymogènes, ni lâché des chiens d’attaque contre des citoyens. Ce sont pourtant des choses qui arrivent tous les jours dans beaucoup d’endroits, en Amérique latine, et même aux Etats-Unis et en Europe.

La totalité des enfants souffrant d’un handicap physique ou mental étudient dans des écoles spéciales. L’enseignement de l’informatique et l’utilisation massive des moyens audiovisuels sont à la portée de l’ensemble des enfants, des adolescents et des jeunes (…) Les études rémunérées par l’Etat sont devenues, pour la première fois au monde, une chance pour tous les jeunes de dix-sept à trente ans qui n’étudiaient pas et se trouvaient sans emploi (…) Des écoles de formation artistique et d’instructeurs en art se sont multipliées dans toutes les provinces du pays. Plus de vingt mille jeunes y suivent des études.

85% de la population est propriétaire de son logement, libre d’impôt. Les autres payent un loyer symbolique qui atteint à peine 10% de leur salaire.
L’usage des drogues ne touche qu’un nombre infime de personnes, et nous livrons à cet égard une lutte acharnée. La loterie et les autres jeux d’argent ont été interdits dès les premières années de la révolution, pour que nul n’abandonne ses espoirs de progrès entre les mains du hasard.

Il faut dire qu’ici, quelques dizaines de milliers de parasites ne produisent rien et pourtant s’enrichissent. Ils s’enrichissent, par exemple, en volant du combustible (…) Quelles quantités n’a-t-on pas volées, parfois même dans des usines importantes qui fabriquent des produits très demandés ? Il y a eu des vols, même dans des industries pharmaceutiques (…) A la Havane, ils volaient comme des fous. Vous seriez surpris si je vous racontais l’histoire des stations-service de la capitale (…) les camions de l’Etat circulent souvent par monts et par vaux, dans des endroits sans aucun rapport avec leur travail. Les chauffeurs en disposent à leur guise…

Nous sommes l’un des pays les plus gaspilleurs d’électricité et de combustible au monde. Ici, tout le monde ignore le vrai paix de l’essence ou de l’électricité (…) beaucoup de gens humbles avaient reçu un logement pour rien, et l’ont ensuite revendu à un nouveau riche. Est-ce là du socialisme ?

Nous développons aussi les conditions nécessaires pour éliminer la libreta, le carnet de rationnement. Nous développons les conditions pour que ce carnet, utilisé en son temps mais devenu handicapant, soit changé.

A Cuba, l’un de nos principes essentiels est que le Parti ne se présente pas aux élections, mais le peuple oui. Les citoyens de chaque circonscription se réunissent et désignent les candidats qui vont les représenter à l’Assemblée nationale. C’est un processus dans lequel il est strictement interdit au Parti d’intervenir.
Notre Parti ne présente aucun candidat et ne participe pas, en tant que tel, à l’élection.

Certains fonctionnaires qui négociaient avec de puissantes entreprises étrangères se sont laissé corrompre (…) Ils étaient nombreux, nos fonctionnaires, à rendre visible leur corruption (…) Aucune faiblesse en la matière n’est tolérée. Zéro tolérance.

Mon salaire n’a jamais changé depuis 1959. Tous les mois, je dois payer la cotisation du Parti, et un certain pourcentage pour le logement. Je n’ai pas pris de vacances depuis très longtemps. Depuis des années je n’ai pas eu un seul jour de repos, ni le samedi, ni le dimanche (…) Considérant qu’1 dollar vaut 25 pesos, mon salaire est de 30 dollars par mois. N’allez pas croire que je meurs de faim. Tous mes frais sont pris en charge…
J’ai plusieurs résidences, vous comprendrez bien qu’un homme persécuté comme je le suis ne peut pas demeurer toujours à la même place (…)
Puisque nous parlons de patrimoine, je dois vous dire qu’au fil des ans les cadeaux se sont accumulés. J’ignore combien de millions de dollars valent tous ces cadeaux qu’on m’a offerts (…) J’ai un jour remis à Eusebio Leal, l’historien de la ville de La Havane, quelque dix-sept mille cadeaux. Je n’ai pas voulu rendre cela public, certains pourraient en conclure que je n’accorde pas de valeur aux cadeaux qu’ils m’ont faits (…) Je n’ai émis qu’une restriction : « Laisse-moi les livres : ils reviendront au domaine public après ma mort. » Je lui ai donné tous les autres cadeaux. Absolument touts : des pyjamas, des montres à 6000 ou 7000 dollars, des œuvres d’art, de beaux tableaux, des objets de valeur, des antiquités…

On m’a proposé des millions pour écrire des livres ou mes mes Mémoires, mais je n’ai jamais accepté. J’ai toujours déclaré : « Si j’accepte, cet argent sera pour les écoles. » Une telle règle de conduite me donne de la force et du bonheur. Le goût de la richesse n’a pas sa place dans l’esprit d’un révolutionnaire.

Il est déjà arrivé que l’être humain se sacrifie pour des mauvaises causes (…) Mais, tout au long de l’histoire, on a aussi vu mourir des hommes pour la défense de la dignité et de principes qu’ils étaient capables d’apprécier. Quelqu’un leur avait inculqué ces principes. Il faut inculquer les valeurs les plus positives du point de vue humain. Et une des plus belles est la fraternité.

Aucun pays n’a été confronté à un si puissant adversaire, à sa machine de propagande, à son blocus économique et commercial, dans le même temps que se désintégrait son unique soutien. Lors de la disparition de l’URSS, nous étions seuls au monde, et nous n’avons pourtant pas vacillé.

C’est le capital humain qui rapporte le plus. Il nous enrichit et nous fera vivre. C’est un capital qui nous permet d’aider beaucoup de gens dans le monde.

José Marti a dit : «  Se cultiver pour être libres. » Sans culture, il n’y a pas de liberté possible, Ramonet (…) A quoi cela a-t-il servi que l’humanité atteigne son niveau scientifique et technique actuel, si elle reste incapable d’assurer la subsistance de tous ?

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