Extrait de la préface de Bernardo Toro :
Seule l’occultation d’une telle expérience et de ce qu’elle vient nous
rappeler, à savoir que beaucoup d’opposant au régime ont parlé sous la torture
et collaboré avec les militaires, devait permettre au mythe de la résistance de
se constituer et, comme il est arrivé en France occupée, de sauver l’honneur
des Chiliens – complice passifs de la dictature pour la plupart.
L’hybridation du coupable et de la victime constitue au Chili un
véritable refoulé historique dans la mesure où le peuple chilien est issu non
des nobles araucans qui auraient résisté vaillamment au conquérants espagnols (comme
le veut la légende), mais du métissage des deux. Le peuple chilien est, de par
son origine, une sorte de monstre issu de l’accouplement criminel du bourreau
et de la victime, viol ou connivence avec l’ennemi, que l’histoire s’est
chargée de gommer à coup de légendes patriotiques.
Au Chili, la disparition n’a pas seulement affecté les corps. Le
trouble provoqué par l’Enfer a entrainé la disparition pure et simple de
l’ouvrage peu après sa publication. Effacement de traces quasi parfait qui a
obligé ses traducteurs successifs à travailler à partir de photocopies. Tout
porte à croire que cette épuration n’a pas été l’œuvre des seuls
militaires ; pour des raisons aussi diverses que compréhensibles, ce livre
mettait dans l’embarras l’ensemble de la société chilienne (…)
Les premiers à pardonner Luz Arce ont été les rescapés de l’enfer de la
junte, ses pourfendeurs les plus farouches se trouvant parmi ceux qui se sont
soumis passivement aux diktats de Pinochet, comme s’il s’agissait de compenser
par l’intransigeance du jugement la passivité des actes.
Les statistiques signalent que la
survie moyenne d’un militant clandestin est de six mois.
Dans la rue, il fallait se
souvenir du sens de la circulation et marcher en sens inverses pour éviter
d’être pris en filature par une voiture (…) Eviter aussi de croiser les
regards, car il est plus facile de reconnaître quelqu’un quand on a vu son
expression.
De plus, je ne tarderais pas à
ressentir l’angoisse de celui qui sait que l’heure de la torture approche, ce
qui est encore pire que la torture elle-même.
On m’avait beaucoup frappée. Je
ne sentais plus mon visage, il était gonflé comme un ballon et j’avais toujours
mal à la langue ; à force de recevoir du courant, elle ne tenait presque
plus dans ma bouche.
A l’époque, à l’hôpital
militaire, chaque seconde semblait se traîner péniblement. Au milieu de la peur
et de l’incertitude, j’eus l’occasion de me confronter à moi-même comme jamais
auparavant (…) Je continuais à fouiller en moi-même : je réfléchissais à
ma relation avec mes parents. Et je compris avec émotion que je les aimais.
Pour la première fois de ma vie, mes sentiments étaient pleins, comme un fleuve
d’amour, sans rancœur, sans réflexion, juste de l’amour. Un amour tellement
irrépressible qu’il me faisait mal.
Au milieu de ce chaos, une
décision surgit. Sans doute, mon sort était-il joué, mais je pouvais encore
réparer certaines erreurs. « Christ,
mon ami ! Si tu es Dieu, merci de m’accorder la possibilité de cette
réparation. Merci de me donner l’occasion de témoigner mon amour à mes parents
et à mon fils. La prochaine fois que je verrai la mort, je n’aurais pas de
dettes d’amour ». (…) Je n’arrêtais pas de dire merci. Je pouvais
aimer mes parents, m’emplir intensément et insatiablement de la merveilleuse
richesse de ma terre et des parfums de la vie de mon fils. Pourquoi avais-je
été incapable de saisir cette beauté auparavant ?
Le soir, j’entendis du bruit. La
lumière d’une lampe de poche filtrait à travers le trou de l’escalier. C’était
l’un des gardes, il m’apportait des vêtements et un sandwich. J’ai ouvert le
sac qu’il me tendait. Il y avait des cigarettes et un thermos (…) Soudain je me
suis dit que je ne devais jamais oublier ces moments, pas seulement la douleur,
mais tous mes sentiments. J’étais en train de découvrir des trésors, l’aide de
ces garçons me faisait comprendre que, où que je l’on soit, il y a toujours de
vrais êtres humains.
Je me disais : « Oui, Luz, c’est bien toi, et ces gens
que tu entends sont bien tes camarades, on est train de les torturer, ces cris
que tu entends, ces cris qui te hérissent les poils disent une douleur qui est
aussi la tienne, Luz, tu sais très bien qu’ils sont en train de briser en mille
morceaux tes camarades, et tu as peur et tu transpires, car bientôt toi aussi
tu vas crier, c’est l’adrénaline. »
Des nouveaux détenus qui avaient
des postes importants dans le MIR venaient d’arriver (…) On était en train de
les torturer sauvagement, ce qui voulait dire que pendant quelques heures on
nous foutrait la paix. C’était une tranquillité aussi terrible que la torture
elle-même, elle tenait au fait que « le grill était occupé » (…) Peu
après, nous entendîmes des cris déchirants à briser le cœur, ce genre de cris
qui vous replongent dans les pires souvenirs et qui restent à jamais gravés
dans votre mémoire. Jamais dans ma vie je n’ai senti, connu ou entendu autant
d’expressions de douleur.
Jamais je ne me suis sentie aussi
éloignée de cette Luz qui pouvait faire face à tout sans baisser la tête qu’au
cours de ces jours d’août 1974. J’avais la sensation qu’on m’avait arraché non
seulement des morceaux de peau, mais aussi une partie de l’âme. On m’avait
enlevé toute possibilité de rester moi-même, je ne saurais pas l’expliquer plus
clairement. Les douleurs et les malaises physiques n’étaient pas tout, j’étais
au-delà du désespoir (…) J’avais la sensation d’être perdue. Les cauchemars
s’emparaient de moi en pleine journée. L’horreur était en train de me rendre
folle.
(…) ils m’emmenèrent au deuxième
étage, où Osvaldo Romo et un sous-officier de carabiniers alcoolique aux longs
cheveux noirs parsemés de gris et aux yeux bleu clair me torturèrent une
nouvelle fois. (…) ils m’appliquèrent les électrodes. Je leur dis des milliers
de fois que je ne signerais pas (…) Je fus violées une nouvelle fois par au
moins trois individus. J’imagine que j’avais perdu connaissance, car, quand je
revins à moi, j’étais dans un coin du premier étage, sur un matelas, les yeux
bandés et les mains attachées. Je suis restée là toute la nuit à pleurer, sans
pouvoir dormir, en proie à une douleur inexprimable. J’étais défaite. Les mêmes
cauchemars revenaient inlassablement, je rêvais que je manquais d’appui,
j’avais l’impression que je devais m’accrocher à quelque chose, sentir autour
de moi une présence qui atténuerait cette sensation de désolation.
La caserne Yucatan, rue de
Londres, était un endroit rempli d’épouvante et de terreur. Tout sentait le
sang, la merde et la mort (…) Le matin, ils nous sevraient du café seulement si
un camarade avait de l’argent pour le payer (…) Les gardes préparèrent le café
et insistèrent beaucoup sur le fait que nous devions tout boire.
Il avait un drôle de goût. Mais
l’endroit était si sale que tout semblait étrange et visqueux. Je l’ai bu, il
était chaud et me faisait du bien. Quelques jours plus tard, j’avais les lèvres
gercées et irritées. D’autres camarades se plaignaient de la même chose. Les
gardes, hilares, nous racontèrent qu’ils avaient préparé le café avec notre
propre urine. Les toilettes du premier étage étant en panne, nous devions
uriner dans un seau.
J’avais la tête lourde et
l’impression d’avoir une langue immense, comme si elle était en tain de pousser
jusqu’à ne plus tenir dans ma bouche.
La puanteur des centres de
détention de la Dina était à l’intérieur de moi. Je la sentais toujours,
imprégnée dans les narines, dans ma tête. C’est une odeur que je ne pourrai
jamais oublier.
Mon obsession pour échapper aux
emprises extérieures était telle que j’ai cessé de ressentir les effets du
chaud et du froid. Cela a duré des années.
Sergio supporta pendant quatorze
jours d’atroces tortures. Le garde qui surveillait ma porte m’a dit qu’on lui
avait écrasé les testicules. Nous avons entendu ses cris quand c’est arrivé (…)
Je me suis réveillée en sursaut à cause d’une plainte monocorde et rauque.
L’entendre était insoutenable, vivre cette douleur dans sa propre chair devait
être au-delà du supportable (…) Je pensais pouvoir différencier à l’époque les
hurlements dus à l’électricité et ceux dus aux coups reçus. Sergio a enduré les
deux. Je cessais de l’entendre uniquement quand ils le traînaient jusqu’à la
salle de torture. Presque en pleurant, il suppliait : « S’il vous plaît, tuez-moi ! Tirez-moi une balle dans la
tête, par pitié ! » Je ne peux pas écrire ces lignes sans
pleurer.
Le garçon était nu sur le grill.
Quand je suis arrivée, ils étaient encore en train de retirer les câbles
électriques : il venait d’être torturé. J’avais peur. On disait que si
l’on avalait de l’eau juste après une séance de torture, on risquait de mourir.
C’est là qu’on a commencé à
construire ce que les agents de la Dina appelaient les « boîtes »
pour les détenus, les casas corvi ou
« maisons Chili ». L’humour noir des Chiliens est vraiment
incroyable. Il s’agissait de sortes de boîtes très petites ou un homme
d’environ un mètre soixante-dix ne pouvait tenir qu’assis et avec les jambes
pliées.
J’ai ressenti une colère
indescriptible. Pour eux, nous n’étions qu’un « paquet », mais
comme toujours, ils maniaient un double discours. D’un côté, nous devions
acheter notre avenir en étant des êtres entièrement soumis mais, attention,
efficaces ; de l’autre, nous étions toutes trois des femmes qui, ayant le
même âge – 26 ans à ce moment-là, puisque nous étions nées en 1948 -, avaient
commis tous les péchés qu’un femme de notre génération pouvait commettre. Nous
étions des militantes marxistes et, par conséquent, des putes ; ma
condition de femme séparée aggravait mon cas.
Vers 20 heures, un garde est
entré avec notre repas. Il avait, comme d’habitude, les doigts dans la soupe.
J’étais habituée.
J’ai essayé de rester naturelle,
mais quand il m’embrassa, j’eus un mouvement de dégoût à cause de son odeur.
Les pellicules et la saleté étaient visibles sur sa veste. Je sentais la nausée
monter de mon ventre (…) Personne n’avait oublié qu’un jour, Rolf Wenderoth avait
laissé les portes du centre ouvertes et avait demandé aux gardes de se cacher
afin de tuer ceux qui tenteraient de s’enfuir.
Je me suis souvenue des histoires
que le major m’avait racontées. Il avait, par exemple, gagné un concours qui
consistait à envoyer le plus loin possible, et d’un seul coup de pied, un
appelé du contingent qui avait commis une maladresse.
Un an après mon arrestation, on
nous a transférées dans la cabane qui avait été construite pour nous (…)
C’était une petite cabane en bois pleine de fentes par où entrait l’air froid
de l’hiver. Mais être loin de l’endroit où l’on torturait nos camarades nous a
permis de retrouver un peu de sérénité. Nous savions que les tortures se
poursuivaient mais, au moins, nous n’entendions plus les hurlements. Une
horreur en mois. Nous étions tout de même à côté de la tour où l’on m’avait
pendue.
J’ai demandé à Wenderoth et aux
filles d’apprendre à faire des piqûres, mais ils n’ont pas voulu. Lauriani est
le seul qui a osé le faire. Quand la douleur était trop insupportable, je lui
demandais de m’injecter du Valium. Bientôt mes bras ont été couverts de bosses
et de bleus (…) Le capitaine revint avec un médecin. Le diagnostic tomba :
pneumonie et surmenage. Cinq mois plus tôt, j’avais eu une pleurite (…) En cherchant
la cause des maux de tête qui persistaient, même si je m’étais remise de ma
pneumonie, on a détecté un diabète fonctionnel, on m’a également prescrit des
lunettes. Mon problème au pied était irréversible, il fallait que j’attende que
la douleur diminue avec le temps.
Quand quelqu’un méritait quelque
chose qui pouvait mériter une sanction de la part des supérieurs de la Villa
Grimaldi, le personnel prononçait cette phrase macabre :
- On
va t’emmener en hélicoptère.
De retour à la camionnette, un garde
occupait le siège du conducteur de sorte que notre conversation ne pouvait être
qu’« officielle ». Elle m’a demandé pourquoi je collaborais et je lui
ai raconté ce qui m’était arrivé avec mon fils. Cela ne justifiait pas ma
collaboration, mais il fallait bien que je lui dise quelque chose.
Il y avait des moments comme
celui-ci où je croyais vraiment que le major pensait ce qu’il disait. Je n’ai
jamais réussi à comprendre cette sorte de dédoublement, ce double
discours : d’un côté, il voulait empêcher les abus et de l’autre, il
donnait carte blanche pour qu’on réprime, agresse, torture, vole.
Pendant des décennies, j’ai dû
habiter avec une sorte de présence étrangère envahissante, faite de panique et
de peur, qui a gouverné ma conscience et m’a forcées à oublier, à ne pas
raconter, à me taire. Je m’évadais, en m’imaginant loin du chaos. Je voulais
vivre en sécurité dans un monde où rien ne paraissait suffisamment protégé.
Pendant ces années-là, je ne percevais que les symptômes de cette peur, le
frisson qui parcourait mon corps et prenait possession de ma bouche jusqu’à la
paralyser. Aujourd’hui, je sais qu’il est essentiel de trouver les mots et de
raconter ce qui est arrivé, pas seulement pour moi mais pour l’ensemble de la
société. Hier, la répression et la torture attaquaient la société, aujourd’hui
c’est l’impunité qui la bafoue. L’impunité qui n’est rien d’autre que la
poursuite de l’intimidation par-delà les dictatures, une forme plus
sophistiquée de répression.
Marcos a donné à Barriga un faux
lieu de rendez-vous. Il a dit qu’il devait retrouver un camarade rue Santa
Monica. Une fois sur place, il a couru se réfugier dans les locaux du Comité
pour la paix qui se trouvait à cet endroit. Il a reçu la protection de
l’archevêché. Les médecins qui l’ont examiné ont constaté les traces de
torture. Il est resté caché longtemps avant d’obtenir les papiers qui lui ont
permis de quitter le pays.
Cet événement n’a pas arrangé la
relation déjà conflictuelle entre l’Eglise et le gouvernement.
Nous pouvions aussi nous promener
dans la rue. Personnellement, j’ai mis beaucoup de temps avant d’oser sortir
toute seule. J’avis perdu l’habitude. La première fois que je suis allée
dehors, j’ai eu le vertige. J’avais l’impression d’être saoule.
Les démarches entreprises par les
Eglises chrétiennes, Helmut Frentz, Monseigneur Raul Silva Henriquez et leur
Comité pour la paix étaient de véritables grains de riz dans les rouages de la
Dina. A maintes reprises, l’organisation tenta de les effrayer pour empêcher
leurs actions. Si elle n’y est jamais parvenue, c’est grâce au courage de
Monseigneur Silva et des autres religieux et représentants de l’institution
qui, en suivant l’enseignement des évangiles, ont mené un combat pour les
droits de l’homme et pour la défense de la vie.
« Je me donne si l’envie me prend, mais jamais je ne me
vends. » Cette phrase je l’ai dite pour la première fois au directeur
de la Dina lors d’une réception où il m’avait invitée à danser.
- Luz,
tu es la plus belle de mes détenues.
- Merci, mon colonel. Seulement je pensais
que je n’étais plus une détenue, mais une fonctionnaire de la Dina.
La mort me semblait préférable,
mais j’essayais de me raisonner en pensant : « Même si tu vis une seconde de plus, cette seconde représente
le reste de ta vie, c’est on avenir. Le pire est déjà derrière toi, il fait
partie de ta vie. Chaque heure qui passe, chaque jour est un triomphe, un
cadeau, un motif de joie. »
Bien sûr, je ne croyais pas
vraiment ce que je me disais, mais le seul fait de le pensait diminuait ma sensation
de défaite.
La Dina a aidé le gouvernement
dans presque tous les domaines, avec une poignée d’hommes, elle a
perquisitionné volé, enlevé, torturé, tué et fait disparaître les opposants.
Peu à peu, le colonel se rendit
compte que, malgré l’adhésion de quelques prêtres et du secteur le plus
conservateur de l’Eglise catholique, la thèse d’une guerre d’anéantissement ne
parviendrait jamais à convaincre le cardinal Silva Henriquez et les évêques les
plus engagés dans la défense des secteurs sociaux marginaux. Il s’est donc
tourné vers l’Eglise méthodiste pentecôtiste qui légitimait le projet de
dictature. Le régime est alors devenu œcuménique. En 1976, le Te Deum a eu lieu
dans la cathédrale méthodiste pentecôtiste située dans l’Alameda.
Les évêques Carlos Camus, Tomas
Gonzales et Jorge Hourton étaient systématiquement surveillés, surtout après la
déclaration de Camus, le 8 octobre 1975, dans laquelle il affirmait, en tant
que secrétaire de la conférence épiscopale, que le chômage dépassait largement
les 20% reconnus officiellement, que le pays était soumis à un climat de haine
et que l’Eglise continuerait d’être attaquée, car elle prenait la défense des
persécutés politiques, des chômeurs, des familles démunies, c’est-à-dire de la
majorité des Chiliens.
Pour rendre le travail de la Dina
plus légitime, le colonel se servait de toutes sortes d’artifices (…) Il
s’efforçait de prouver que la Dina était l’organisme le mieux adapté pour
combattre les opposants et qu’il devait rester unique. Des conflits surgirent
rapidement avec les autres appareils répressifs. Il mena alors des actions de
contre-espionnage auprès des autres branches de l’armée. Il élargit le rayon
d’activité de la Dina en créant le groupe Condor et en envoyant des agents à
l’étranger (…) A son apogée, la Dina était devenu une institution tentaculaire
et difficile à contrôler.
A l’intérieur de la Dina, Manuel
Contreras était totalement surestimé (…) Le colonel croyait, en effet, en sa
« bonne étoile », celle qui lui permettait de remplir sa « mission ».
Cette excessive confiance en lui-même finit par l’aveugler. Ses plus proches
collaborateurs l’entouraient comme une cour princière, en flattant son ego.
L’officier me donna un dossier
avec toute l’information qui confirmait que j’avais été fonctionnaire de la
Dina, puis du CNI. Il contenait mes CV, ma lettre de démission au CNI,
présentée en octobre 1979 et acceptée en mars 1980, toutes les catés d’identité
que j’avais eues tant à la Dina qu’au CNI (…) Il y avait aussi une liasse de
document échangés entre le sous-directeur de l’extérieur et la direction du CNI
qui contenait des évaluations tant professionnelles que personnelles ainsi que
les inconvénients et les avantages de me tuer au Chili, à l’étranger, ou bien
de me laisser vivante et d’accepter ma démission.
(…) le CNI était médiocre. Son
seul pouvoir résidait en réalité dans la peur qu’il suscitait. C’était
précisément cette médiocrité qui m’avait permis de rester en vie. Il était
facile pour moi de paraître « intelligente » au milieu de toute cette
force brutale.
D’un côté, j’avais la ferme
intention d’accomplir correctement mon travail et de survivre, mais quand je
pensais que j’allais vivre pendant trois dans la clandestinité loin de mon
fils, j’étais effondrée.
Tout ce qui m’est arrivé n’était
que l’histoire de ma lutte pour la survie (…) Ce jour-là, j’ai dit au
Seigneur : « Oui, mon nom est
Luz, Luz Arce, la délatrice, la traîtresse, la fonctionnaire de la Dina et du
CNI. »
Je fis mon entrée à la fin de la
confrontation (…) Au cours de la confrontation avec moi (…) suivant les
conseils de ses avocats, il tenta d’éviter que je fasse référence à des choses
personnelles. Visiblement, il lui était plus difficile de reconnaître ses
faiblesses personnelles que d’avoir arrêté et torturé des gens, ouvert la
poitrine de son ancien camarade de
l’école militaire, Claudio Thauby, et Dieu sait quelles autres
atrocités.
Les gestes, les paroles, les cris
et la torture auxquels Miguel Krassnoff Martchenko m’avait soumise restent liée
dans ma mémoire au souvenir du « Troglo ». En 1992, je fus, avec plus
d’une douzaine d’autres témoins, confrontée à Krassnoff (…) Il était là, plus
âgé et faisant preuve d’une grande capacité de dédoublement. Très courtois et
bien élevé envers madame Olivares, il se montra insolent envers moi. Par
moments, lorsqu’il se penchait devant la juge comme devant un supérieur, son
attitude semblait soumise (…) Je dois avouer qu’au début, mon cœur battait très
vite, j’avais la gorge sèche (…) Je m’aperçus que j’avais adopté la même
manière de m’asseoir qu’après une séance de torture. La seule présence de cet
homme m’avait fait prendre une position quasi fœtale. Je me penchai en avant…
Procès après procès, je rompais
les liens de terreur qui me reliaient au passé.
Au cours des années où j’étais incapable de faire face à des souvenirs, il me semblait que plus mes paroles collaient à la réalité, plus elles devenaient incompréhensibles. Je ne pouvais pas exprimer ce que j’avais vécu, quelque chose en moi ne voulait pas accepter cette violence, cet anéantissement, cette absence totale de droits. Je voulais croire que tout cela n’était pas réel, qu’à un moment de ma vie j’étais devenue folle (…) J’avais l’impression que le monde qui m’habitait intérieurement ne pouvait que générer effroi, rejet et une atroce condamnation. J’avais vécu cet opprobre, cette honte.
Yo creo de toda evidencia que esta persona "Luz Arce" es una psicopata manipuladora que se hace pasar por victima, es una enferma trastornada..
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